Mon sifflement coulait tranquillement dans l'air froid du matin tandis que je déambulais dans les rues avec une mine satisfaite. Remis de mes blessures après ma toute première mission, j'étais dans une forme du tonnerre, et j'entendais bien le prouver. Comme l'attestait ma seconde tâche...
Somme toute, aussi obscure qu'intrigante. Je devais me rendre au Black & White, un établissement peu recommandable et dont j'avais eu quelques échos. A priori, on y organisait des tournois de boxe, du genre qui salit énormément et les mains et l'argent. Ce genre de match qui se déroule sous le feu des projecteurs livides, où l'on s'écorche sans bruit les mains sur le visage de l'autre, où le sang perle aux jointures, où la peur noue et tord les entrailles.
Pour que Shibusen s'en mêle, c'est qu'il devait y avoir comme une odeur de démon dans les parages.
Je m'immobilisais en arrivant sous le porche arrogant qu'annonçait l'édifice à la peinture écaillée. Le toit était très bas, mais je savais qu'il s'étendait en profondeur sur deux niveaux au moins. J'allais ouvrir la porte lorsque la clenche tourna d'elle-même et qu'un grand homme à la stature impressionnante me bloqua le passage.
- On n'entre pas, grimaça-t-il.
Je haussais un sourcil, vaguement moqueur.
- J'étais pourtant sûr d'avoir mis le bon parfum. Ecoute, mon vieux, j'ai des affaires ici, moi...
- Non, Gueule d'Ange, lâcha-t-il en retour sans se démonter. C'est toi qui va m'écouter. Cet établissement réserve un évènement spécial, et seuls les habitués y sont conviés. Et je suis certain que tu n'en fais pas partie...
- Un évènement, hein ?
Je lui pris le col de sa veste et tentais de le tirer à moi, mais sans succès. Sa grosse main enserra mon bras dans un étau de métal alors qu'il me soulevait de l'autre. Le chambranle cogna contre mon dos comme il m'y plaquait durement.
- Ca fait longtemps que j'ai pas pu cogner quelqu'un, me révéla-t-il avec un grand sourire qui ne me disait rien de bon.
Prenant appui des pieds contre l'obstacle, j'inversais la pression et vint lui décocher un uppercut qui fit craquer chacun de mes doigts. Je joignis ensuite mes mains, après qu'il m'aie libéré en reculant, pour essayer de lui faire pivoter la tête. Des seuls muscles de sa nuque, il résista à mon assaut, et je dus forcer pour qu'il vienne à nouveau me saisir les avants-bras.
- Tu vas voir comment un mec de Shibusen se défend, mon gros ! sifflai-je entre mes dents serrées.
Aussitôt, il ouvrit grand les yeux et me repoussa comme un vulgaire chiffon.
- C'est toi l'envoyé de Shibusen ?
Il n'y avait aucune crainte dans sa voix. Rien qu'une sorte... d'excitation. Pris à contre-pied, je ne pus que balbutier.
- Exact...
- Mais il fallait le dire avant, bonhomme ! Ah, quel caractère de cochon ! Allez, entre donc.
Son clin d'oeil complice me fit froid dans le dos, tout autant que sa respiration parfaitement calme après notre échange brutal. J'étais intimement persuadé qu'il y avait anguille sous roche, mais comment refuser une occasion si belle ? Je ne tenais vraiment pas à me sentir à nouveau emprisonné entre ses paumes énormes, qui me rappelaient tant un marteau et une enclume...
Je longeais un petit couloir tout de bois qui frémissait à chaque pas, le tout sous une tamisée lueur sanguinolente. M'apprêtant à tourner à droite, je fis un impeccable quart de tour lorsque l'homme me poussa fermement dans l'autre sens. Il me guida ainsi sur un bout de chemin encore, après que nous soyons descendus dans un sous-sol humide et bétonné.
Il me désigna une porte digne des plus sinistres bunkers souterrains...
- On viendra te chercher, ne t'inquiète pas, fit-il d'un ton qui se voulait rassurant en me priant de rentrer.
J'étouffais sauvagement mon inquiétude et obtempérais.
En cours (je vois déjà où j'en suis là... =D).
