Il neige. Ce fut la première remarque que j’eus en voyant les flocons tapissant le sol blanc dehors. Elle devait avoir froid. Tellement froid. Azariah n'était plus là, partie à cause d'une vulgaire dispute. Et au bout de cinq minutes, j'avais compris qu'il fallait que je la retrouve. Mais la neige était présente. Comme au premier jour, lors de notre première rencontre. Il neige. Cette couleur blanche tombant sur le sol petit à petit. C'est magnifique, d'une beauté, j'en perdrais presque mes déguisements. Mais là n'est pas la question, elle doit m'attendre, sûrement dans une rue. Je ne peux pas me permettre de la laisser toute seule dehors par un tel temps. Il fait si froid dehors, même moi je frisonne à la brise glaciale qui me frôle la peau. Pourtant, je n'ai pas froid d'habitude. Il faut croire que cette apparence humaine fait de moi quelqu'un de bien plus faible d'ordinaire. Soupire. Lassitude. J'avance en faisant craquer la neige sous mes pieds, hurlant le nom de la gazelle pour qu'elle me réponde. Mais rien. Aucun bruit hormis celui de silence qui résonne lourdement. Pourtant, cela fait bien un quart d'heure que je la cherche dans toutes la zone, mais je ne la vois pas. Je lève les yeux au ciel, pour voir si par hasard, elle ne va pas me tomber dessus comme la première fois. Encore une fois, il ne se passa rien. Une boule me noue le ventre. Et si elle ne revenait pas ? Mes yeux s'écarquillent devant la lune et j’aperçois une drôle de forme bouger dans le ciel. Je deviens folle, voilà que j'aperçois des objets non-identifiés dans le ciel. Je soupire et baisse mon regard, continuant d'avancer, me rapprochant du centre ville. Ma voix résonne entre les murs et le nom de Mina sonne à travers la ville. Un peu plus loin, j'entends une agitation notable et sans savoir vraiment pourquoi, je me dis qu'elle est peut-être là-bas. Je commence à avancer mais mes pieds bloquent soudainement. A tête se tourne vers une ruelle sombre, au fond, j'entends des cris, des hurlements. Des bruits de cailloux entrechoquant des os. Suivis du bruit sourd d'un corps tombant par terre et de quelqu'un entrain de manger. Je plisse les yeux pour voir mieux au fond de cette rue mais on dirait bien que je me suis fais voir en première. Je hurle, voyant un visage de démence à quelques pas de moi, se dirigeant rapidement vers ma personne. Tout ce que je trouve à faire, c'est de crache sur cette personne qui se tient le visage avant de tomber au sol. Sûrement l'acide contenu dans mes crachats. Je ne perds pas de temps, tournant mes talons je cours le plus loin possible, tournant le maximum de fois dans les rues avec l'espoir de la semer. Quand je pense être en sécurité, je m’arrête et m’affale contre un mur, glissant petit à petit sur le sol avant que mes fesses ne touchent la neige. Je respire douloureusement à cause de ma course folle, je sens mon cœur battre à cent à l'heure dans ma poitrine. Je meurs de peur. Je ne sais pas ce qui vient de se passer mais mon cerveau est comme bloquée. J'ai vu un monstre, une de ces créatures que je ne voulais jamais voir. Je l'ai vu sûrement après sa création. J'ai fuis comme une misérable. J'ai laissé quelqu'un mourir sans réagir. Et si ça se trouve, ce quelqu'un … C'était Azariah. Le doute prend place en moi, je ne sais plus quoi penser. J'enfouis mon visage dans mes mains en murmurant des mots que je ne comprends pas moi-même. Une larme roule le long de ma joue avant de tomber lourdement au sol. Je ne sais plus quoi faire, la peur me tiraille. J'ai honte de moi-même, d'être si faible et pitoyable. Si seulement j'avais bougé. Si seulement je l'avais aidé. Je sanglote silencieusement. Je suis tellement pitoyable, au fond, je suis mieux en tant que monstre qu'en être humain. Je suis tellement détestable, on pourrait me tuer que cela ne dérangerait pas grand monde. Je ne suis qu'une pauvre créature sans véritable personne après tout. Je suis pire qu'une sorcière, je ne suis qu'un monstre. Sans véritable âme, juste quelques poiles. Une chose si facile à détruire et à faire fuir. Je ne sais à rien, strictement à rien hormis observer les gens mourir petit à petit. La preuve vient de se dérouler. Je comprends mieux pourquoi ma famille m'a abandonné, parce que je suis un monstre. C'était tellement évident, pourquoi ne l'avais-je pas compris avant ? Je ricanes, mes larmes fuyant mon esprit. Si je suis un monstre, je dois me comporter comme tel, non ?

Je me relève, ne prenant même pas le temps de regarder s'il y a quelque près de moi. Je souris d'une façon que je n'arriverais même pas à décrire, riant aux éclats, n'ayant pas peur de voir l'autre rappliqué. Et je marche, reniflant le monde autour de moi. Je marche pour trouver quelque chose que l'on ne me montrera pas sans que j'en demande. Que je la réclame. Je marche pour la mort, en quelque sorte. Mais pas pour la mienne. J'avance de plus en plus vite, bifurquant à une intersection sur deux. Mon odorat ne montre pas, il y a bel et bien quelqu'un là-bas. Quelqu'un de frai, qui marche encore. Pas un vulgaire cadavre qui m'aurait fuit comme la peste s'il m'avait vu vivant. Je ricane. Je n'en peux plus. J'ai l'impression que mes poumons vont exploser tellement je rigole. J'aime cette sensation de bien être. J'aime n'en avoir rien à foutre des autres. Je m'aime moi, c'est tout ce qui compte. Et pour mon propre bonheur je vais me débarrasser de tous les gêneurs qui ne me comprennent pas, moi, une vulgaire yokaï. Et non seulement. Je le ferais pour Azariah aussi. Comme ça, elle ne sera plus maltraité. Oui, je suis sûre que cela lui ferait plaisir. Elle serait tellement heureuse, tellement joyeuse. Mon Azariah. La mienne. Elle n'appartenait qu'à moi. Uniquement à moi. Je ne laisserais personne d'autre la toucher, même pas son putain de facteur. Pourquoi elle voudrait voir un facteur alors que je suis là, hein ? Pourquoi est-ce qu'elle voudrait voir ailleurs malgré ma présence ? PUTAIN. Pourquoi est-ce qu'il irait autre part d'ailleurs ? Elle m'appartenait, c'était la mienne dorénavant, personne ne la toucherait, jamais. Je ne l'offrirait à personne, plutôt crever que de la laisser aux mains de quelqu'un. Plutôt crever que de voir un autre la toucher. C'était la mienne. Azariah était ma putain de gazelle. Il était hors de question que je la laisse à un autre. BORDEL. Ça me fout en rogne. Mais j'ai de quoi … J'ai tellement de quoi … Ce visage si doux, si calme et si chaleureux. Je ne veux pas le voir pleurer autrement qu'à cause de moi. Je veux être la source de toutes ses émotions.

Mes lèvres tremblent doucement à cette idée. Oh, joie. Je suis sûre qu'elle adorera quand je lui ramènerais le cadavre de cette douce odeur. On pourra la faire cuire,on pourra même la fourrer avec de l'herbe et des épices. On ferait en sorte qu'elle explose. Un barbecue. Oui, ce serait une si bonne idée. Avec un parfum amer de mort. Ce serait parfait. Tellement parfait. En plus, Azariah aime la viande, non ? Elle m'aimera encore plus si je lui rapporte à manger pour me faire pardonner. Oui, c'est ça. C'est une si bonne idée. Je la détruirais la broierais et j'apporterais sa dépouille à ma tendre gazelle. Ma douce Mina. Elle ne pourra que m'aimer après ça. Plus jamais elle ne ma quittera pour quelqu'un d'autre. Sinon … Je n'aurais qu'à la tuer. Ça serait si simple … Un cou tordu va si vite … C'est si rapide. Si simple. Si calme. Sans douleur. Juste un craque. J'en ris encore. Et pas que de cela. Je vois enfin ma proie. Une longue chevelure blonde me tournant le dos. J’accélère, attrapant une planche de bois cloutée au passage. Je cours de plus en plus vite, le regard ne quittant pas ma cible. Quelques mètres d'écarts, je lève la planche au ciel. Un mètre d'écart, je la baisse brusquement sur son épaule, lui plantant au passage le clou rouillé dans la peau. Riant de plus belle. Il ne faut pas trop que je l’abîme, sinon, il ne restera plus rien à manger pour ce soir. Nouveau rire. J'ai l'impression d'être de bonne humeur aujourd'hui. Je fais en sorte de sortir la planche de bois de l'épaule du cadavre et je suis étonnée de voir qu'il ne tombe pas. Je ne peux pas m'empêcher, je dois savoir ce qui la maintient debout. Je dois le savoir, tellement. Et si elle ne me réponds pas, je pourrais lui arracher la langue, cela ne changera rien. Strictement rien. Après tout, elle sera soit déjà morte soit muette. Je ris avant de m'éloigner de quelque pas, le bout de la planche précédemment planter dans la chair traînant sur le sol. Je la regarde de dos. J'attends qu'elle se retourne. Elle doit se retourner.

▬Pourquoi tu ne te retournes pas, hein ? T'as peur ? Tu ne veux pas voir qui te bat, qui te fait mal ? Pourquoi tu ne hurles pas ? Putain, tu me fais chier, hurles, cris, surplis moi de ne pas te tuer bordel. REAGIS. Montre moi que tu n'es pas qu'une putain de fille qui ne sert à rien. Fais quelque chose où je t'arrache la langue. Allez, regarde moi bordel, regarde. Je suis un monstre, je suis vicieuse. Mais moi je n'ai pas peur. Toi, tu es morte. De peur ou tout court, cela ne change rien ! Je te vois, morte dans tous les cas. Allez, regarde ! Je suis une abomination de la terre. Je ne suis même pas humaine ! Pourquoi tu ne réagis pas bordel, POURQUOI ?