![[Mission] Un pillage légalement légal ! Empty](https://2img.net/i/fa/empty.gif) |  Sujet: [Mission] Un pillage légalement légal ! Mer 5 Jan - 9:18 | |
| La demeure de Miss Ouri ne constituait que l'un des innombrables biens qu'elle avait acquis aux cartes. Il s'agissait d'un splendide chalet bâti un peu à l'écart du centre ville de Lézard-Naquais. Lézard-Naquais... Il attrapait des lézards, parfois. C'était au moins aussi bon que n'importe quoi d'autre. Est-ce qu'on avait baptisé la ville ainsi parce qu'il y avait beaucoup de lézards ? Et voilà, il avait faim maintenant...
- Je pioche.
Colm tressaillit et s'ordonna de rester concentré. Il se déplaça lentement le long du morceau de charpente sur lequel il était juché, dans le toit, pour avoir un angle de vue plus intéressant de la scène.
Celle qui se faisait appeler Miss Ouri avait l'étrange habitude d'organiser ses parties de cartes dans le grenier. Il était cinq heures du soir et le soleil était déjà couché. Une maigre lumière lunaire passait par de vieilles fenêtres crasseuses, mais la principale source d'éclairage était un chandelier posé au centre d'une table ronde, juste en-dessous de lui. De part et d'autre de cette table, les deux adversaires se faisaient face. L'un d'eux était un vieux monsieur libidineux et graisseux, vêtu d'un immense costume rayé, au front ruisselant de sueur, qui avait du mal à attraper la carte du dessus de la pile tellement ses doigts transpiraient. Plus le temps passait, plus il semblait inquiet. Colm ne comprenait pas grand-chose aux jeux de cartes mais c'était clair qu'il était en bonne voie de perdre. Devant lui, impassible, imperturbable, Miss Ouri en personne. Il fallait se fier au timbre de sa voix et à la finesse de ses mains pour estimer que c'était réellement une femme, parce qu'à part ça, n'importe qui aurait pu se planquer derrière cette large cape noire et cette toute petite silhouette informe. Pas un cheveu ne filtrait de ce drap protecteur. À se demander comment elle faisait pour voir autour d'elle. La dame Ouri n'était qu'une ombre posée sur une chaise.
À côté d'elle, un bonhomme que Colm avait pris l'habitude d'appeler dans sa tête "le mec bizarre". Il fallait reconnaître qu'il avait tout pour ça. Aussi petit que sa compagne, maigre comme un clou, le visage osseux, les yeux profondément cernés comme ceux d'un toxico et la bonne mine générale d'un cadavre. On aurait dit que le moindre courant d'air pouvait l'emporter. Il se tenait debout, l'air sinistre, complètement immobile, droit comme un I et les mains dans le dos comme un majordome dévoué. Depuis que la partie avait commencé, il n'avait toujours pas ouvert la bouche. L'ambiance était épouvantablement lugubre mais malgré tout, le Yokaï était content du bon goût des horaires de la joueuse de cartes : le soir, c'était parfait. Et c'était tout à fait le type de luminosité qui convenait à ses yeux de hibou.
Pour se douter de sa présence, il aurait fallu que l'une des personnes en bas lève les yeux au plafond et regarde pile dans la direction de ses deux gros yeux ronds brillant dans la pénombre, perdus dans une masse de plumes. Personne n'aurait songé à le faire : ils étaient tous bien trop pris par la partie. De là où il était, Colm avait une vue imprenable sur le jeu de la Miss Ouri qu'elle tenait dans sa main gauche, la droite reposant sur ses genoux. Il n'avait maintenant plus qu'à patienter et espérer surprendre le secret de ses innombrables victoires.
Il n'eut pas à attendre longtemps. La main droite esquissa un petit mouvement vif imperceptible, il y eut un éclat de lumière et soudain, la dame se pencha en avant sur la table et regarda tout bonnement dans le jeu de son adversaire. Sans que celui-ci réagisse le moins du monde. Il avait le regard vide et l'air absent. L'instant suivant, la jeune femme réintégra sa place et la partie parut reprendre comme si de rien n'était. Le tout avait duré peut-être trois secondes. Le silence était total. Colm avait du mal à en croire ses yeux. C'était de la triche, ça, non ? Pourquoi le bonhomme n'avait rien dit ? Avait-elle ensorcelé son adversaire ?
Deux minutes plus tard, le gros homme avait perdu.
- Comme convenu, vous me cédez donc ces deux auberges, dit Miss Ouri d'un ton froid et indifférent.
- Je... Je prendrai ma revanche ! Je reviendrai !
- Oui, aujourd'hui, c'était déjà une revanche. Revenez autant de fois que vous voudrez. Quel abruti, marmonna-t-elle tout de suite après que l'abruti fut sorti.
Elle se leva et ôta sa cape.
Colm en eut le souffle coupé. C'était incroyable.
C'était tout simplement extraordinaire. Jamais il n'aurait pu imaginer quelque chose de semblable. C'était complètement dingue ! Dire que de telles choses existaient de par le monde ! C'était... Cette femme, elle était... Mon Dieu ! Vraiment pas croyable ! Son visage...
Elle était hideuse.
- Je croyais t'avoir dit de t'occuper d'Emmanuel, fit-elle remarquer à son compère. Je l'ai vu sur la grand-place cet après-midi.
- Veuillez m'excuser.
La voix du mec bizarre était très étrange, comme s'il gargouillait en parlant. Pas franchement sexy. Mais le hibou n'arrivait pas à détacher ses yeux de la tête d'Ouri.
- Je m'en occupe dès maintenant et je le mettrai avec les autres.
Finalement ses yeux se détachèrent quand même, parce que quelque chose d'encore plus incroyable se produisait du côté du mec bizarre. Tandis qu'il parlait, ses dents s'allongeaient et devenaient pointues et ses ongles se transformaient en longues griffes. Un pré-démon... [en cours] |
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