Parfois, quand la faim nous tiraille, il nous arrive de faire des choses complètement stupides. Comme vérifier toutes les dix minutes notre placard désespérément vide dans l'espoir qu'un paquet de Chips s'y soit miraculeusement glissé. Avec cette même avidité que lorsqu'on soulève notre oreiller le matin pour voir ce que la petite souris nous a rapporté durant la nuit. Parce qu'on est con. Prenez Bellatrix par exemple. Quand elle veut quelque chose, elle n'y va pas par quatre chemins, elle file comme une flèche droit devant, sans effectuer de détours et de virages inutiles. Jusqu'à la case d'arrivée. Une envie soudaine de se rouler dans la neige et la voilà déjà partie en direction des montagnes. Parce que c'était dans la logique des choses d'aller là où elle était sûre de pouvoir le faire. Aujourd'hui, sa faim l'avait amené à Berlin. Elle s'était réveillée un matin avec ce besoin irrémédiable de manger de la choucroute et elle n'avait pas hésité a sauter dans le premier avion en direction d'Allemagne.

C'était bien la première fois qu'elle montait dans ces engins là et elle avait bien faillit étouffer, de son étreinte d'acier à en faire pâlir un ours, le pauvre homme qui avait eu la malchance de s'asseoir près d'elle. Elle s'était excusée bien sûr, mais elle s'était presque aussitôt cognée à un mur d'incompréhension de sa part lorsque ce dernier s'était mis à vociférer dans une langue étrangère, qui s'était révélée par la suite être ce que l'on appelait de l'allemand. Elle avait immédiatement fait la grimace. D'une part parce qu'elle n'y comprenais fichtrement rien et d'autre part, parce qu'elle trouvait cette langue aussi douce et agréable que le pet d'une vache un matin d'hiver.

Les jambes tremblantes après des heures passées assise sur un siège miteux, cela ne l'avait pas empêché de se précipiter vers le premier restaurant venu avec l'assurance et la rapidité d'un coureur de marathon. Le dialogue étant périlleux, elle s'était contentée de crier «CHOUCROUTE» avec l'élégance d'un camionneur et on l'avait chassé dehors avec la même ardeur que pour chasser la vermine des cuisines. Décidément, elle n'aimait pas vraiment ce pays. Ou alors c'était le pays qui ne l'aimait pas. Cela étant, elle était toujours affamée et savoir qui n'aimait pas qui était bien le cadet de ses soucis. Si choucroute elle voulait, alors choucroute elle aurait ! Même s'il fallait pour cela parcourir des kilomètres et des kilomètres, gravir des montagnes et braver des tempêtes sur des chemins tortueux. Même si pour cela elle devait user de la force.

Ce fut seulement le sixième jour qu'elle trouva enfin de quoi se satisfaire. Jusque là, on avait toujours refusé de la servir, elle qui en faisait fuir plus d'un avec sa grande voix, son manque de politesse flagrant et cette aura de folie qu'elle dégageait inconsciemment chaque fois qu'elle se sentait déstabilisée par cette langue bien compliquée. On l'avait supplié de partir une fois son repas terminé et elle avait accepté bêtement sans y comprendre un piètre mots. Cela faisait maintenant deux semaines qu'elle était à Berlin, et elle ne semblait toujours prête a quitter les lieux. Et assise sur un banc, elle s'amusait a jeter des morceaux de pains sur la tête des passants

[HS: pas fameux je sais, excuses moi des fautes, c'est pas facile sur un portable 8D]

Une heure. Elle avait passé une heure entière a regarder les gens passer devant elle, assise paresseusement sur son banc à grignoter un morceau de pain sans véritable appétit. Les yeux perdus dans le vague depuis maintenant une quinzaine de minutes, elle réfléchissait intérieurement à ce qu'elle pouvait bien faire pour rendre le temps moins long. Elle connaissait à présent la ville comme sa poche, s'étant amusée à déambuler un peu partout durant ces cinq derniers jours, au point qu'elle n'avait plus rien à voir ou a découvrir. Marcher pour marcher n'étant pas sa tasse de thé, elle s'était écroulée sur le premier banc venu et l'ennuie l'avait bien vite rattrapé. Pourtant, ce n'était pas les divertissements qui manquaient dans la capitale Allemande. Mais la plupart des activités proposées nécessitaient des dépenses financière qu'elle ne pouvait plus se permettre à présent, ayant dépensée ses derniers sous dans ce morceau de baguette qu'elle mastiquait machinalement.

Repu, une demi baguette à la main et des gens qui défilaient sous ces yeux. A y réfléchir, il n'y avait pas trente-six milles façon de s'occuper. La tentation était trop forte pour rester là sans rien faire alors qu'elle avait tout sous la main pour passer un agréable moment. Alors chaque fois qu'une tête ne lui revenait pas, elle lui jetait un morceau de pain. 2 points si elle touchait les jambes. 5 points si elle touchait le haut du corps. 10 points si elle parvenait à atteindre la tête. Le plus drôle était de les entendre crier en allemand parce qu'elle aimait bien s'imaginer ce qu'ils pouvaient dire. Sans oublier ceux qui ne se laissaient pas faire et ceux qui l'ignoraient royalement par crainte ou tout simplement parce qu'ils étaient trop pressés pour s'occuper d'une étrangère comme elle.

Vingt minutes plus tard, elle n'avait plus de pain sous la main et même si cela c'était révélé divertissant, elle avait fini par se lasser. Maintenant, elle avait de nouveau faim et plus rien à se mettre sous la dent. Elle regrettait presque d'avoir gaspiller ses dernières provisions aussi bêtement, même si elle avait réaliser son plus beau score jusqu'à maintenant. Il ne lui restait que quelques pièces et elle doutait de pouvoir aller loin avec ça. Elle partie toute fois en exploration, bavant sur les vitrines de boulangerie et humant avec un plaisir non dissimulé l'odeur de friture et de graisse qui flottait dans l'air en sachant pertinemment qu'elle n'y goûterai pas. Trop accaparé sur sa faim, elle ne remarqua que bien plus tard que quelque chose perturbait l'atmosphère.

Oublié la faim. Oublié l'odeur délicieuse de la choucroute. Oublié la soif qui lui brûlait la gorge depuis maintenant cinq minutes. Ne restait plus que cette sensation étrange qui la laissait comme pétrifié. Comme une pulsion parmi tant d'autre, mais dix fois voire cent fois plus forte que toutes celles qu'elle avait sentie jusqu'à aujourd'hui. Elle cherchait des yeux cette source d'énergie avec une envie qu'elle peinait à contrôler, inexorablement attirée par cette dernière comme un papillon le serait par des flammes. C'était une tout autre faim qui la tourmentait à présent, bien plus incontrôlable et désagréable que la précédente. Elle ne doutait pas une seule seconde qu'une âme délicieuse arpentait en ce moment même les rues de Berlin et elle n'avait qu'une hâte: cueillir ce fruit mûr pour y planter ses dents. La seule chose qui la retenait sur place, alors que son taux de folie atteignait un plafond alarmant, c'était le peu de bon sens qui lui restait encore. Cette petite part d'humanité en elle qui répugnait à tuer de sang froid et qui luttait contre cette folie grandissante qui la dévôrait de l'intérieur. Il était d'autant plus difficile de résister à cette tentation qu'elle était fatiguée et affamée, l'effet de surprise aidant à accélérer le processus.

Elle voulait partir loin, mais ses membres étaient devenus lourds et mettre un pied devant l'autre se révélait plus difficile qu'elle ne le pensait. Rentrer à l'hôtel et se mettre sous la couette. Voilà ce qui pouvait la calmer. Il lui suffisait de traverser la rue et de marcher une bonne quinzaine de minutes, rien de bien fatiguant entre autre. Elle fit donc le tour de la camionnette blanche qui lui bloquait le passage quand ses yeux se posèrent sur le parfait inconnu qui se tenait devant elle. Non pas parce qu'il semblait étonné de la voir, ce qui en temps normal l'aurait sans doute intrigué, mais parce que c'était lui, le fameux tentateur qui jouait avec ses nerfs et sa raison ! Pendant une fraction de secondes, elle s'était imaginé sautant sur lui avec la véracité d'un chien enragé, mais elle n'en fit rien. Avec un calme légendaire, elle respira un bon coup et fit demi-tour avec lenteur, comme si de rien était. Elle n'était pas dupe. Si cet homme semblait si appétissant, c'était bien parce que son âme dégageait plus de force et d'énergie que les autres. Donc, un potentiel danger pour elle. Et le regard qu'il lui posait n'avait rien de bien rassurant. Autant de signaux d'alertes qu'il ne fallait pas ignorer. Elle se retourna une dernière fois vers lui pour lui faire petit clin d'oeil narquois avant de partir en courant aussi vite que le lui permettaient ses jambes.

Comme elle s'y attendait, l'inconnu ne s'était pas contenté de l'observer détaler comme un lapin dans les rues de Berlin. Non, ça aurait été trop beau pour elle. Pour une raison obscure qu'elle se promettait d'éclaircir plus tard, cet homme, qu'elle n'avait pourtant jamais vu auparavant, l'avait clairement dans le collimateur. Sinon, pourquoi se serait-il jeté à sa poursuite ? Parce qu'elle avait lancé des morceaux de pains sur des passants ? Ou parce qu'elle avait songé, un court instant, le tuer bêtement ? C'était tout bonnement ridicule. Même si pour le moment, le plus ridicule, c'était elle. Elle, la pauvre petite proie chassée par un prédateur bien déterminé à l'attraper et .... Qui sait ce qu'il voulait faire ensuite ? Sûrement pas prendre une tasse de thé sur la terrasse d'un de ses charmants café qui défilaient sous ses yeux alors qu'elle courait inlassablement. Dommage, ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Mais pour le moment, elle était bien trop occupée avec cet imbécile. Bien trop occupée à lui en faire voir de toutes les couleurs surtout. En bifurquant à droite soudainement. En tournant à gauche sans prévenir. En prenant des rues bondées de monde. En balançant ce qui passait sous sa main dans l'espoir de le toucher miraculeusement. Toutes ces petites choses débiles qui, bien que peu efficaces, avaient au moins le mérite d'être agaçantes, voire même déroutantes.

Malheureusement, le petit jeu ne dura pas bien longtemps. Soit parce qu'elle commençait sérieusement à fatiguer, soit parce qu'il commençait sérieusement à se lasser. Peut être les deux, qui sait. Ce qui était sûr, c'est qu'elle n'avait rien vu venir jusqu'au moment où il lui était carrément tombé dessus. Comme par magie semblait-il, parce que jusqu'à présent, elle était à au moins deux bon mètres devant lui. Elle s'affala sur le sol sous l'impact et le poids du jeune homme, s'écorchant par la même occasion les genoux. Le souffle coupé et la tête dans les pavés, elle avait bien du mal à comprendre le pourquoi du comment. Elle avait beau avoir le chic pour se mettre dans des situations périlleuses ou parfois complètement débiles, là, c'était une toute autre affaire. Ne voulant rien laisser paraître, elle laissa échapper un petit rire, à moitié étouffé par le poids du garçon qui pesait lourdement sur son dos. Elle n'avait plus rien à perdre de toute façon.

-Je te fais tant d'effet que ça pour que tu me poursuives jusqu'à l'autre bout de la ville ? Malheureusement pour toi, je n'ai pas l'intention de mourir maintenant tu sais. Il me reste encore tellement de choses à faire.

Elle était mal partie. Elle avait beau jouer la carte de la dérision, ce n'était pas ça qui allait la tirer d'affaire. Si seulement tout était plus simple ! Si seulement elle n'avait pas eu cette envie de choucroute et si seulement elle n'était pas venue en Allemagne, elle ne serait sûrement pas allongée par terre, sur un sol inconfortable, écrasée par un taré qui avait, semblait-il, un dédoublement de personnalité alarmant. Non pas qu'il se parlait à lui même, mais c'était presque ça. Sûrement son côté féminin qui ressortait, sauf si sa voix étaient naturellement aiguë et grave à la fois. Un mélange plutôt étrange qui, si la situation n'était pas aussi compliquée, lui aurait sûrement tirer un sourire moqueur. Là, elle se contentait seulement de réfléchir au meilleur moyen de se dégager de là, parce que ce n'était pas qu'il pesait lourd, mais mon dieu ce qu'il pesait lourd ! Elle avait beau gigoter dans les tous les sens, et pousser sur ses frêles petits bras pour se relever, rien à faire, elle ne bougeait pas d'un poil. Rageant .... C'était le mot qu'elle cherchait. Et bien qu'elle se savait patiente, elle n'avait aucune envie de passer le reste de la soirée en sa "charmante" compagnie et ce n'était pas qu'elle voulait faire preuve de violence, mais si c'était la dernière solution qui s'offrait à elle alors .... Alors elle allait devoir l'utiliser, bien qu'elle s'était promis de ne le faire qu'en cas d'extrême urgence.

Mais n'était-ce pas un cas d'extrême urgence justement ? Après tout, si elle avait bien tout compris, cet homme ou ce truc, peu importe ce que c'était, ne comptait pas la laisser partir bien sagement. Alors oui, se faire menacer par un malade mental qui a clairement l'intention de vous poutrer la gueule, si ce n'était pas un cas d’extrême urgence ça, c'était que le monde ne tournait décidément plus rond. Dans ces cas là, autant se foutre à poil et danser la samba sur du Micheal Jackson, ça restait tout aussi logique. Bref, là n'était pas la question. En vérité, il n'y avait même pas de questions à se poser, on l'attaquait, elle répliquait. Une logique infaillible qui ne l'avait jamais trahie jusque là. Elle porta donc une main vers son sac à bandoulière qui ne la quittait presque jamais, laissant le contenu se répandre bruyamment sur le sol. De la bouffe ? Des armes ? Un paquet de chewing gum vide ? Des tampons ? Non rien de tout cela. Juste des morceaux de bois qui s'assemblèrent presque part magie pour former une marionnette dont l'usage sautait tout de suite au yeux. De taille réelle, le visage dissimulé derrière un masque, armée d'une lame circulaire sur le dos, ce n'était pas le genre de pantin qu'on s'attendait à voir dans un spectacle pour enfin.

- On pourrait peut être aller discuter tranquillement autour d'un verre, pour faire plus ample connaissance. Vous ne pensez pas ? Je crains que cet endroit soit assez mal choisie pour bavarder gaiement. Au fait, je ne vous ai pas encore présentée mon amie. Charmante, n'est-ce pas ? Je suis sûre que vous allez bien vous entendre. ♥

Elle fit pianoter ses doigts sur le sol et le pantin s'anima instantanément, tournant la tête vers l'inconnu. Ses mouvements, d'abord rigides, devinrent plus souple, plus contrôlés au fur et à mesure que Bellatrix s'habituait à la manipuler avec des gestes qui se voulaient précis. Elle tituba légèrement, grinçant au moindre mouvement, avant de se jeter de tout son poids sur l'homme dans le seul but de le faire bouger de la. Elle n'avait pas l'intention de le blesser réellement. Pour le moment du moins. Juste lui faire comprendre qu'elle vendrait chèrement sa peau. Et vu qu'il semblait posséder une double personnalité, il était tout à fait équitable qu'elle utilise sa marionnette, non ?

Scheisse, cet imbécile avait esquivé la marionnette avec la grâce et la subtilité d'un danseur de ballet. Et le pire, c'est qu'elle se mettait à jurer en Allemand. Décidément, elle n'aimait vraiment pas ce pays. Sauf peut être pour leur gastronomie. Faut dire aussi que l'odeur de saucisse qui flottait dans l'air avait de quoi ... la perturber, entre autre. Pas facile de manier cette chose quand on pense sans arrêt à s'empiffrer comme pas deux. C'était comme .... Comme d'essayer de comprendre un texte de philosophie avec la chanson des teletubbies en fond sonore. Ce n'est carrément pas conseillé, c'est même totalement prohibé. Sauf si on peut assommer un ennemi à coup de Lala, Po et Tinky Winky, là peut être que ..... C'est que ça ne doit pas faire du bien un teletubbies dans le cul après tout. Mais ne nous égarons pas dans des chemins aussi tortueux que l'art du maniement de ces petits bêtes poilus. Laissons les donc dans leur Tubbydome Supertronic matter des séries pornographique où la plupart des acteurs ne dépassent pas les dix ans. Même si son attaque avait totalement foiré, au moins elle avait eu le mérite de retrouver sa liberté de mouvement et avant qu'il ne se décide à lui ressauter dessus, sait-on jamais, elle se releva vite fait bien fait. En prenant bien soin d'épousseter ses vêtements bien sûr -parce qu'il est important de toujours savoir rester présentable quelles que soient les circonstances - tandis que l'autre continuait à parler à ... Bah, on ne pas savait trop quoi en fait.

C'est qu'ils faisaient bien la paire tous les deux. S'ils s'étaient rencontrés dans un tout autre contexte, sans doute se seraient-ils entendus comme larrons en foire. Mais là, elle s'imaginait mal aller boire un café avec lui, au bord d'une paisible terrasse, en parlant de la pluie et du beau temps avec le flegme typique des bourgeois de bonne famille. M'enfin, ce n'était pas comme s'ils l'auraient fait en temps normal de toute façon. Ce qui était sûr, c'est qu'elle était mal partie pour le boire, son café. Surtout qu'il semblait passer enfin au chose sérieuse, ce qui n'annonçait rien de beau pour elle, encore une fois. Intriguée, elle resta au moins une bonne dizaine de minutes à le regarder se transformer en cette espèce de chose étrange qui ne ressemblait plus vraiment au garçon de tout à l'heure. Qui ne lui ressemblait plus du tout d'ailleurs. Ça se rapprochait plus d'un truc informe, un mélange entre de la fumée et ... de la fumée. Mais le genre de fumée noire qui t'empêche de voir plus loin que le bout de ton nez. Attendez. Elle était censée faire quoi là ? Appeler SOS fantôme ? Souffler dessus dans l'espoir de l'éloigner ? Le mieux restait de foncer dans le tas dans l'espoir d'obtenir un résultat concluant, sauf qu'elle avait bien du mal à la discerner maintenant. Bwah, peu importe. Ce n'était pas comme si elle risquait son propre arrière-train, juste celui de sa poupée. Poupée qui, avec le bretzel moisi qui lui servait de cerveau, se jeta bêtement dans le nuage de fumée en ouvrant grand les bras. Et si elle pouvait parler, elle aurait sûrement dit "Viens me faire un câlin mon choupinaaaayyyy".

Elle scruta l'horizon, mais rien à y faire, c'était aussi sombre et obscur que le trou du cul d'un taureau enragé. Pas de trace de son agresseur, ni même de sa marionnette. Elle était seule. Oui, complètement seule. Ils avaient beau se trouver à quelques mètres d'elle, elle était comme coupée du monde. Enfin, c'était surtout eux qui étaient coupés du monde mais ça, on s'en fiche éperdument. Elle était seule, et elle se sentait conne, c'était tout ce qui comptait. Hésitant encore entre se jeter à corps perdu dans la bataille en sachant que la visibilité frôlait le zéro absolu à l'intérieur de cette masse d'encre ou s'enfuir en courant en abandonnant lâchement cette poupée à la cervelle givrée aux mains de cet imbécile tout aussi givré, elle en oublia presque que c'était elle, la principale cible. En même temps, elle était pas vraiment dans le feu de l'action là, alors c'était dur de rester concentré quand il n'y avait rien à regarder mise à part le bout de ses pieds. Elle se pencha pour y essuyer une tâche invisible et eu la joie et la surprise, en se relevant péniblement, d'avoir de la compagnie. Les bras tendus, le visage figé, c'était droit sur elle que sa marionnette fonçait. Alors soit elle était en manque d'affection totale soit .... Soit quelque chose clochait. Elle n'eut pas besoin de se retourner pour comprendre ce qu'il c'était passée. L'acier mordit sa chair à plusieurs reprises, lacérant ses vêtements qui virèrent à l'écarlate tandis qu'elle lâchait un cri de surprise ou se mélangeait douleur et incompréhension. Elle s'éloigna rapidement de lui avant qu'il ne la réduise définitivement en charpie, s’appuyant contre un mur.

- Ahhhh ! Aaaaaaah ! AAAAAAHH ! Mes vêtements ! Mon dos ! Mes chaussures ! Mon corps ! Espèce de moue du bulbe, qu'est ce qui te prend, hein ? HEIN ? Mes vêtements ! Mon dos ! Mes chaussures ! Mon corps ! Fiche le camps d'ici ! FICHE LE CAMPS FACE DE TROLL ! Ils vont nous tirer dessus. Ils vont tous nous anéantir pauvre fou ...

Elle se laissa tombée, recroquevillée sur elle même, les genoux serrés contre sa poitrine, les mains sur la tête, le corps secoués de longs sanglots irrépressibles et interminables. Elle avait lâchée prise. La digue avait cédé et elle fut submergée par la vague de folie qu'elle avait toujours tenté de juguler jusqu'à maintenant. Incontrôlable. Elle n'avait pas mal. Elle n'avait pas peur. Elle n'avait pas faim. Elle n'avait pas soif. Elle était bien, détendue et apaisée. Elle ne pleurait plus et affichait le sourire tranquille de ceux qui savent que la victoire leur est assurée alors qu'elle savait pertinemment qu'elle n'allait pas gagner. C'était comme faire du saut à l'élastique, mais sans élastique. Grisant. Presque jouissif. La marionnette s'arrêta, tourna son regard vers Bellatrix, de nouveau debout, et tomba à la renverse. Elle n'avait plus besoin d'elle parce qu'elle allait se charger elle même de ce petit impertinent. Taillader son visage. Morde son cou. Sentir sa chair céder. Son sang gicler. Ses os se briser. Elle aillait le saigner comme elle aurait saigner un porc. Avec une lame. Deux lames. Trois lames. Quatre lames. Cinq lames. Six lames. Sur ses coudes, sur ses avant-bras, sur ses mollets. Elles semblaient faites de fumées, pourtant elles coupaient avec une facilité déconcertante. Éclosion.

Elle avait les lèvres étirées jusqu'aux oreilles sous l'excitation du combat. Les choses sérieuses venaient de commencer, elle le sentait au sang qui coulait le long de son dos pour s'écraser en gouttes pourpres sur les dalles grises de la ruelle. Si elle se concentrait, elle pouvait même les entendre tomber. Elle avait mal aux joues à force de sourire. Elle était contente. C'était ce qu'il manquait dans ce combat. Le sang. On était jamais vraiment sérieux tant que le sang ne coulait pas. C'était un rappel à la réalité. Elle n'était pas immortelle. Il n'était pas immortel non plus. Même si elle s'amusait, elle devait se rappeler qu'elle mettait sa vie en danger, tout comme lui. Les porcs ne font pas des poules et les cailloux sont des armes redoutables. Elle divaguait déjà. Dans sa tête c'était la tempête mais elle ne s'était jamais senti aussi lucide. Elle avait conscience de tout ce qu'il se passait autour d'elle. De la mouche posée sur la poubelle d'en face au couteau qui fonçait droit sur sa gorge. Elle était fascinée par les jeux de lumière sur la lame tout en était terrifiée par son tranchant mortel. Pendant une fraction de secondes, elle se perdit dans la contemplation de l'arme avant de se dire qu'il était temps de bouger. Encore dix secondes de plus et elle était morte. Dix secondes s'étaient suffisant pour lever son bras et bloquer l'attaque avec la lame de son coude. Elle répliqua d'un coup de genoux dans le bide, dans le but de masquer la seconde attaque qui lui permit d'ouvrir une large estafilade sur son ventre. Du sang. Ce n'était que l'échauffement. Nouveau sourire, empreinte de la folie sur son faciès. Mais elle n'était plus la seule à la porter à présent ... Elle accueillit sa réplique d'un rire moqueur qui sonnait faux. Elle l'avait à peine touché et il commençait déjà à perdre la tête. Avait-il oublié que c'était lui qui était venu la chercher, et non l'inverse ? Elle se lécha la lèvre supérieur, ce qu'elle n'aurait sans doute jamais fait en temps normal parce qu'elle trouvait ça répugnant mais qu'elle faisait maintenant parce qu'elle était contrariée.

-Tu te fous de ma gueule ou bien ... tu te fous de ma gueule ? T'es moue du bulbe, c'est ça ? T'es petite histoire de famille j'en ai rien à foutre, va retourner pleurez dans les jupes de ta mère si ça te chante, mais fiche moi la paix, TOI ! Quand on cherche la merde, on fini toujours pas en trouver partout sur son lit, retiens bien la leçon petit gars.

Et sur cette phrase pleine de ... bon sens, elle se jeta sur lui comme sa marionnette avait tenté de le faire un peu plus toi. Quand elle fut assez près, elle referma ses bras autour de sa taille pour le mettre à terre avec toute la force de son poids plume. C'était stupide parce qu'il avait toujours son couteau et qu'elle pouvait bêtement s'embrocher dessus. Mais allez savoir pourquoi, elle avait juste envie de le faire. Elle misait tout sur la folie qu'elle lui avait insufflé lorsqu'une de ses lames était rentré en contact avec sa peau. Peut être que, sous l'emprise de cette folie, elle avait une chance de s'en tirer. Sans qu'il n'y ai de réels dégâts des deux côtés. Et si elle arrivait à s'enfuir, elle espérait ne plus jamais croiser sa route ...