Loin d'elle l'envie de se rouiller, Siolith avait décidé de traîner dans les alentours du panneau des missions pour voir si il y avait du nouveau. Elle avait décidé d'exterminer la vermine qui parasitait la surface de notre belle terre par la force des choses, c'est-à-dire de ses poings. Transformer des animaux en bêtes de foire dangereuses n'était pas du ressort de Mère Nature, et ce genre de choses devrait donc cesser. Son intuition féminine lui souffla que les actions perpétrées par un inconnu sur un troupeau de vaches n'étaient pas l'œuvre d'un humain, loin de là. Elle ne fit même pas attention aux murmures autour d'elle lorsqu'elle s'empara de la fiche. Les élèves autour d'elle n'étaient pas le moins du monde impressionnés par le fait qu'elle prenne une mission de rang C, au contraire, mais c'était le fait qu'elle fasse quasiment toutes ses missions seule, sans aide aucune. Elle délaissait volontairement les missions de groupe, quitte à ne probablement jamais faire du rang A ou S, juste parce qu'un tel rassemblement de gens autour d'elle était un facteur évident de multiplication d'échecs et d'imprévus si on ne l'écoutait pas. Ses stratégies étaient faites de logique et de victoire, même si elles semblaient très souvent suicidaires et complètement dénuées de bon sens, et c'était justement pour cela que personne ne semblait enclin à l'écouter. Son air de marbre accentuait encore cette sorte de douce folie lorsqu'elle échafaudait un plan aussi ingénieux que suicidaire. Mais le problème, c'était qu ses plans à elle fonctionnaient!

Siolith avait consciencieusement déchiré le papier de mission devant tout le monde, pour signifier que la mission était remplie avant même qu'elle la commence. Elle se rendit aux portes de Death City d'un pas assuré, jusqu'à ce qu'elle tombe sur un homme tremblant comme une feuille dont elle déduisit que ce devait être son client. Un simple chien errant devait avoir été vachement agressif pour rendre quelqu'un aussi tremblant qu'une feuille dans le vent. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la mission ne consistait qu'à rassembler les vaches et les ramener à leur propriétaire. Bizarre, puisqu'il s'agissait là d'une mission de rang D et non de rang C. Siolith n'était pas rabatteuse et rassembler un troupeau de bêtes n'était pas une tâche évidente lorsqu'on avait aucune notion dans ce domaine. Elle réussi néanmoins tant bien que mal et amena le propriétaire à ses bêtes parquées dans une prairie. Lorsqu'elle demanda à l'agriculteur le nombre de bêtes initial pour qu'elle soit sûre d'avoir tout rassembler, elle surprit le regard de l'homme vraisemblablement en train de compter ses bêtes, d'un air paniqué. Lorsqu'il lui dit que 45 bêtes composaient son troupeau, il ne fallait pas être grand mathématicien pour constater qu'une dizaine de bestiaux manquaient à l'appel. Pourtant, toutes les vaches portaient ces foutues cloches autour du cou et elle les aurait certainement entendues. L'homme détourna le regard et lui tendit ses billets en marmonnant que ce n'était pas grave et qu'il la félicitait pour avoir retrouvé ses bêtes aussi rapidement. "Pas grave"? C'était quoi ce foutage de gueule? Un fermier digne de ce nom aurait enfilé bottes et veste dans la seconde pour retrouver une dizaine de bêtes perdues! Soit ce mec n'en n'avait rien à taper de ses vaches, soit il y avait un autre souci dont il ne lui avait pas parlé, et là la mission de rang C devenait possible. Siolith lui força à lui dire par où étaient parties les bêtes la veille pour avoir un indice sur l'endroit où elles pouvaient bien être maintenant.

Après lui avoir "gentiment" tiré les vers du nez, Siolith savait qu'elle devait se diriger vers un versant de la montagne où personne n'osait aller, tout simplement parce que personne n'en était revenu. Sans appréhension aucune, elle s'y rendit pour aller chercher les animaux manquants afin de terminer sa mission et d'empocher son argent en ayant enfin le sentiment du devoir accompli. Les vaches n'étaient pas si loin que cela, et elle en fut presque soulagée; mais pas au moment de constater que toutes avaient été massacrées, éventrées à moitié mangée et fourmillaient de mouches et de vers, bref, un spectacle bien dégueulasse dont elle se serait bien passée. Il y avait quelque chose de dangereux ici, et non seulement c'était gros, mais c'était apparemment assez violent également. Sans se démonter, elle n'eut qu'à suivre les cadavres pour tomber presque nez-à-nez avec une créature de deux mètres au garrot en train de tirer la carcasse ensanglantée d'une vache morte. Elle resta de marbre tandis que l'espèce de chien géant tombait en arrêt devant cette petite chose qui lui faisait face, avec cet air si fragile et innocent. Elle ferait un parfait en-cas avant de continuer à ronger les grosses choses mortes qu'il avait tué avec ses frères quelques temps auparavant. Dans un grognement, il lâcha ce qu'il tenait dans sa mâchoire et se rua à toute vitesse sur la manieuse, qui ne bougea pas d'un pouce. Au moment où il se jeta sur sa proie, sa tête rencontra une surface solide, comme s'il s'était jeté de toutes ses forces contre un mur de béton armé. Siolith avait activé un mur défensif circulaire et se protégeait d'une main contre l'assaut enragé de la bête, qui n'avait par ailleurs pas la moindre once de jugeote pour se jeter de cette façon sur quelque chose d'inconnu qui la dépassait complètement. Siolith ferma son poing gauche et concentra sa longueur d'âme, renforçant son coup, puis frappa, déchargeant instantanément l'énergie hors de sa main sous forme d'un autre cercle lumineux qui envoya le chien géant bouler à quelques mètres de là, gémissant sous l'effet de la douleur.
Ce dernier s'enfuit en glapissant pour aller chercher ses deux frères, tandis que Siolith évaluait brièvement la situation. Tsss! Elle avait frappé très fort avec sa longueur d'onde, trop peut-être même. Ces missions commençaient à être trop facile pour elle.

Les tremblements du sol la remirent sur le chemin de la réalité: Les deux frères du premier chien arrivèrent, accompagné du vaincu. Ils étaient à peu près de la même taille, mais ils étaient plus massifs, trop peut-être même. Le petit ne servait que de larbin aux premiers pour ramener la nourriture à la maison. C'étaient eux les coupables de toutes ces morts. Ils chargèrent dès qu'elle fut dans leur champ de vision. Après tout, peut-être que ça ne serait pas si facile qu'elle le pensait. Cette fois, pas question de contrer de front plus d'une tonne de muscles lui fonçant dessus; elle préféra esquiver en se jetant sur le côté, en oubliant que les chien avaient aussi des pattes. Le coup avait été rapide et elle fut projetée sur plusieurs mètres avant de pouvoir retrouver la terre ferme atterrissant sur ses deux pieds, mais un peu sonnée quand même. Elle eut juste le temps de se baisser pour éviter un coup de patte horizontal et se jeta en arrière pour esquiver un coup de croc venant de la droite. Ils étaient en supériorité numérique et ils connaissaient le terrain; elle était donc largement désavantagée sur ce point. Leur force individuelle n'était pas phénoménale, même si elle dépassait de loin celle d'un animal de compagnie qu'on a l'habitude de garder chez soi, mais à trois, ils compensaient largement cette faiblesse, si c'en était une…

Siolith essuya du pouce le sang qui coulait de sa bouche; elle s'était mordue la joue pendant le choc et ça saignait, et se mit en position du Chô no Kata, faisant affluer le sang aux extrémités de ses membres grâce à se longueur d'onde. Lorsque le plus petit la chargea à nouveau, elle fit un mouvement digne des plus grands toreros et lui appliqua la tranchant de la main sur la nuque, tranchant le cuir dur, entamant la chair tendre et déplaçant les cervicales, ce qui eut pour effet direct de trancher net la moelle épinière entraînant une mort instantanée sans douleur pour la victime. La masse s'écroula pour ne plus jamais se relever, sous les yeux de ses frères, qui sentirent immédiatement l'odeur de la mort, mais pas celle des vaches, qui n'étaient pas si loin que ça, mais celle d'un compagnon. Siolith se mit en garde, attendant l'attaque imminente et vengeresse de ses adversaires. Ivres de colères, ces deux dernières attaquèrent aveuglément la manieuse, qui, sans se départir de son expression neutre, parait et esquivait les coups de la façon la plus efficace possible, en se fatiguant le moins possible. Bloquant simultanément deux attaques venant de chaque côté, elle décida que le combat avait assez duré. Sa force en mode Papillon ne lui permettait que deux se défendre face à tant de rage et leurs attaques inlassables ne semblaient même pas les avoir fatigués. Elle battit en retraite et monta grâce à ses cercles pour entamer le Chant céleste. L'air fut empli d'une musique et sa robe se para de limbes, augmentant sa puissance par dix. Elle effaça son cercle, se laissant tomber à terre, enfonçant le sol sur cinq centimètres à l'impact. Un coup de patte enragé fila droit sur elle, elle tendit la main, le stoppant comme s'il s'agissait d'un bâton brandi par un enfant, et enchaîna avec un formidable coup de poing dans la gueule de l'animal, qui émit un craquement sinistre à l'impact. La puissance montait encore, c'était dangereux; elle devait abréger le combat avant d'arriver a ses limites physiques. Sa vitesse avait sensiblement augmenté et ce fut avec beaucoup de vélocité et de volonté que son poing s'écrasa sur le crâne d'un des deux chiens restants, envoyant un formidable Smash d'onde grillant sur son passage le cerveau de la créature.
La dernière s'enfuyait, et Siolith arrivait à la limite de sa technique en mode normal; elle n'arriverait donc pas à rattraper le fuyard de cette façon. Une seule solution, elle entra en Déphasement Vibratoire. Tendant la main gauche devant elle, elle créa un cercle, puis son jumeau à trente mètres instantanément. Elle prit un brusque départ et passa au travers du cercle, dématérialisant son enveloppe physique pour la reconstituer instantanément au deuxième cercle, devant la dernière créature. Elle chargea un coup de sa main droite effectuant une autre onde vibratoire de la gauche, et frappa le chien, l'envoyant dans le cercle. Elle se retourna brusquement, ayant créé la sortie juste derrière elle et frappa une deuxième et dernière fois en libérant une puissance monstrueuse dans le dos de la bête, dont la colonne émit un craquement sinistre, puis le corps devint tout flasque.
Siolith redevint normale, le limbes autour de sa robe disparurent et elle chancela un instant avant de reprendre contenance et de prendre le chemin du retour.
Inutile de prévenir Shinigami, il aurait vent de sa réussite de toutes manières…