Me retrouver ici n'est pas un simple hasard: j'aime les hauteurs. Depuis toujours. Je suis alors monté sur la plus haute branche de cette arbre près du lac. Et c'est là qu'elle apparait, insolente et hautaine: une sorcière. Elle est joliment vêtu d'une belle robe toute noir. Cela m'étonne beaucoup car j'assimile souvent la sorcellerie au violet. Je sais pas pourquoi.
Elle se dirige vers mon arbre, s'y pose quelques secondes, se déshabille, laissant voir son maillot de bain, puis saute dans le lac. Un moment, j'ai cru qu'elle m'avait repéré, mais j'étais bien caché, derrière le tronc. Je descends furtivement pendant qu'elle est occupé à patauger dans l'eau et scrute quelques temps ses habits. Je n'ose pas me l'avouer moi-même mais... je les surveille pour elle. Tout simplement.
Et une fois qu'elle revient, frissonnante et trempée, je remonte illico presto avant qu'elle ne me remarque. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens trop bien dans mon rôle d'ange gardien invisible.

Une goutte. Puis une deuxième. Et enfin une avalanche de goutte d'eau qui viennent s'écraser sur moi. Je sens que mon nouveau métier va prendre fin: elle va certainement s'en aller. je me laisse glisser sur ma branche de façon à avoir ma tête en bas, le cul collé sur la dite branche grâce à mes mains qui se tiennent fermement. Je la regarde partir. Mais elle ne part pas. Elle est assise là, en bas, à ne juste que rien faire. Elle va attrapé froid... *Qu'importe, je suis pas sa mère*. Par contre moi, je n'ai aucune envie de tomber malade, alors je glisse de branche en branche en descendant et me retrouve plus près d'elle. *Je croyais que tu voulais te barrer gros con* En fait, deux mètres, celles du tronc, me sépare d'elle. Je me rends très vite compte qu'elle dort, je me laisse tomber juste en face. Profondément endormie avec ça! Sinon elle m'aurait déjà tailladé en mille morceau pour l'avoir approché de si près. C'est une sorcière.

Je m'accroupis et passe ma main grande ouverte, doigts bien écartés les uns des autres, juste devant elle à plusieurs reprises pour me rassurer ou pour m'amuser, ou les deux. Je tends doucement ma main droite vers elle avec l'impression de faire quelque chose de mal, puis relève plus doucement encore ses cheveux noirs profonds. *Elle est jolie* Je retire ma main une fois mon examen fait et la prend dans mes bras puis me relève. Je me pose juste en dessous d'un toit cloué à même un mur de pierre, attendant que la pluie cesse, elle toujours dans mes bras.

C'est pas qu'elle soit particulièrement lourde, mais je commence à fatiguer. J'ai bien envie de la déposer par terre, à côté de moi, mais c'est trop boueux à mon goût. Surtout que si elle se réveille prématurément, ce sera plus dangereux pour moi qu'elle soit sale que dans mes bras. Elle bouge quelque peu dans son sommeil, me donnant quelques frémissements de peur. Je la regarde dormir depuis le début. Je sais pas pourquoi. J'ai remarqué, ces temps- ci, je ne sais jamais rien.

"Ylenzo ..?
-Euh.. non, c'Arthémis pour vous servir!"

Elle ouvre de grands yeux étonnés en se réveillant. Elle est réveillée, et sort de mes bras en me repoussant, posant ses petits pieds d’adolescente sur le sol mouillé. Elle n'est plus à l'abri, dehors, sous la pluie. Je sens mon cœur battre la chamade. *Vais- je devoir la combattre? Pourtant, vu qu'elle me barre le chemin vers mon salut, je ne sais pas quoi faire d'autre.* A force d'être gardien, comme disait mon maître, on en devient con.
Je la dévisage autant qu'elle le fait. Non pas que j'en ai besoin, car j'ai eu tout le loisir de le faire durant son sommeil, mais la moindre des choses est de lui rendre son regard ténébreux et pénétrant. Je me sens défaillir quelque peu. Je reste pourtant impassible et inexpressif, mon masque préféré. J'ai tellement l'habitude d'être calme que je ne pense même plus à exprimer mes émotions.

"Salut, je crois que ceci m'appartient."

Elle me montrer son sac, juste à côté de moi. *C'est ça qu'elle veut alors?... Qu'est ce qu'il me dit qu'elle ne me tuera pas après avoir eu son bien? Ce n'est qu'une sorcière après tout* Une chose attire mon attention momentanément: un dessin que depuis tout à l'heure j'ai pris pour une marque de naissance et qui maintenant me parait bien clairement être un tatouage. *Il est énorme!*

"Mmh, dis-moi tu pourrais me le rendre ?"

Je la regarde fixement, sans jamais cligner de l'œil. Cela pourrait m'être fatal. Mais je ne peux m'empêcher de m’inquiéter pour elle, sous cette maudite pluie qui ne semble pas vouloir cesser. Je prends son sac et lui tend en ajoutant:

"Écoute: tu peux prendre tes affaires et t'en aller, mais cette pluie n'a pas l'air de vouloir s'arrêter et la ville n'est pas la porte d'à côté. Je te propose de prendre ton sac et de te mettre à l'abri avec moi. Et si tu me trouves trop chiant, je me ferai un plaisir de te laisser m'égorger dans l'instant, ok?"

"Qui t'as dit que je voulais t'égorger ?"

Elle ris alors d'un rire cristallin et envoutant, comme-ci sa voix avait quelque chose de... magique. J'en ai vu des sorcières rire, pas des masses, mais j'en ai vu assez. Ce rire là est différent. C'est un rire spontanné et innocent, aussi innocent que peu l'être une sorcière. Je veux dire par là qu'elle avait l'air d'une fille tout à fait normale sur le coup. *Elle a le sens de l'humour à ce que je vois: good point!*
Un sourire discret vient effleurer mon visage, mais vite remplacé par mon expression morne terne habituelle. Pourtant, mon cœur est toujours excité, comme- ci sa remarque et surtout son rire sont encrés en moi et ne veulent plus me quitter. *Si ça se trouve, elle ne ment pas... Si ça se trouve...* Je me laisse pourtant aller et me détend tout doucement, sans oublier de rester sur mes gardes. Je suis toujours sur mes gardes.
Elle reprend avec un ton sec, son rire évanouit aussi vite qu'il n'est arrivé:

"Je ne compte aller nul
part, même si la pluie ne me dérange pas, je ne me lasserai pas de la
présence de quelqu'un, surtout par ici, c'est assez rare de croiser le
chemin de quelques promeneurs."

Je la sens tendu et sur ses gardes en se rapprochant de moi. Elle se pose juste à côté de moi et regarde fixement la pluie battre le sol. J'en fais de même.

Alors que la pluie baisse en intensité, signe de sa fin proche et donc, de notre séparation, je sens un regard peser sur moi. Je n'aime pas me sentir observer, mais là, je me sens juste mal à l'aise. Un sentiment tout nouveau pour moi. Je tourne mes yeux vers elle et la surprends en train de me regarder de ses yeux hypnotiques, aussi hypnotique que sa voix.
Je reste un moment sans voix, rougissant légèrement. Une goutte d'eau tombe d'un clou rouillé sur la tête de la sorcière. Elle glisse doucement du front jusqu'au menton, en passant par le creux de l'oeil droite, donnant l'impression qu'elle pleure. *Une sorcière qui pleure, XD!* Je souris d'un large sourire que je n'ai pas fait depuis longtemps. Un sourire que je ne me connais pas. C'est plus fort que moi: je trouve toutes ces mésaventures amusantes et drôles. Poussé par une impulsion soudaine, j'essuie sa goutte de mon index en suivant son trajet, puis arrivé au menton, je me rends compte de mon erreur. *Je viens de faire la gaffe de ma vie*.
Le pluie a complètement cessé, le soleil brille.

Elle sort son couteau et le pointe vers moi en ayant un violent mouvement de recule. Le genre de mouvement qui donne envie de se cacher dans le plus reculé et le plus profond trou de la Terre.*On doit bien en trouver ici... Dans une forêt*. Une pensée inutile et signe d'une gène évidente. Je veux me justifier ou au moins, inventer un mensonge crédible, mais je ne me sens pas de la baratiner. Pas elle. Et la question qui tue:pourquoi? *J'en sais rien*
Elle repousse mon index d'un geste rageur et ample, puis me lance les yeux pleins d'éclairs, dirigés vers moi bien entendu*Je me demande si elle peut le faire pour de vrai. C'est une sorcière après tout*:

"Ne t'avise plus jamais de me toucher."

Elle se dirige ensuite au dehors, couteau à la main. Je lui attrape le poignet et elle se tourne vers moi. *Je ne peux pas la laisser partir comme ça, c'est indigne de moi* Elle me fusille du regard avec une expression décidément énervée. Je vais prendre cher, je le sens.

Je prends la main où est son arme, et pose la lame du côté du tranchant sur ma gorge. Dans l'élan, je ne peux m'empêcher de me couper légèrement le cou. Une perle de sang glisse tout du long et descend jusqu'en bas de mon haut, sur ma poitrine. Je sens la chaire de poule se former.

"J'avais promis que si je t'ennuyai, de te laisse m'égorger vif, alors fais le, j'accepte le châtiment. Je suis homme de parole, même si je ne parle pas beaucoup"

Un sourire, c'est le jour des sourires à ce que je constate, déforme mon visage impassible depuis le démêlé. Je la regarde avec à la fois un regard décidé et un sourire amical. *je suis ton ami*

Elle ouvre la main et laisse tomber son couteau par terre. Je le suis du regard puis reporte à nouveau mon attention sur la sorcière. * Qu'est ce qui lui prend? Elle ne mentait pas alors?... Même si c'est vrai, c'est le plaisir et délice de ce genre de personne que de tuer et massacrer, pourquoi donc m'épargner alors que je me mets à sa merci? Je suis tombé sur un drôle d'oiseau* Elle hausse ses sourcils, étonnée.

"Tu es cinglé."

Je libère son poignet de mon emprise, perdant mon sourire, mais toujours aussi amusé. Elle range son arme à sa place, puis se dirige vers l'arbre. Cet arbre qui est à l'origine de notre rencontre, de cette situation, de mon excitation. Dans beaucoup de culture, l'origine de tout est un arbre. Je commence à mieux comprendre.
Je la suis et me met face à elle, alors qu'elle est adossé à l'arbre. Je ne la quitte pas des yeux. Je ne quitte pas ses yeux. Elle fait glisser son châle qui découvre ses épaules blanches et brillantes au soleil. *Qu'est ce qu'elle est blanche! C'est naturel ça!?*

"Je m'appelle Chayana."

*Jolie prénom* et je ne plaisante pas. Trois "a" dans chaque syllabe, c'est l'équilibre parfait. Et c'est là mon tour de me présenter, mais j'hésite. En effet, tant que je ne me serai pas présenté, j'aurai encore une chance de m'en sortir sans mal puisque je ne risque pas de la revoir bientôt. Alors que si je lui divulgue mon nom, un lien invisible et durable s'installera entre nous, même si elle m'oublie. L'importance du nom n'est pas à négliger, je dois donc garder le silence.

"Je me nomme Arthémis. Barth de nom. Que faisiez- vous sous la pluie? De plus comment vous êtes vous retrouvée avec autant de blessures?"

Je remarque quelques entailles que je n'ai pas vu avant. On dirait que c'est superficiel, mais ça m'intrigue.

"Je courais et je suis tombée dans les ronces."

J'ai failli éclaté de rire, mais vraiment! La manière dont elle l'a dit donne l'impression que pour elle c'est un événement tout à fait banal, tellement naturel, qu'elle ne s'est même pas aperçu du comique de sa chute. *Courir et tomber dans les ronces!* Je sens mon ventre se contracter légèrement en essayant de me retenir de rire. Mes yeux veulent lâcher leurs larmes, mais rien à faire, je suis bien plus fort que mes émotions. Je suis un gardien.
Elle fait un geste tout à fait délicieux: elle rassemble lentement sa longue chevelure noir et la sur le côté. Ce simple geste tout à anodin fait battre en moi des tambours qui étaient comme endormi pendant des années. *J'ai chaud, je me sens pas bien, il faut que je rentre.*

"Et vous ? Que faites-vous ici, à Witch Land ?"

Elle passe du coq à l'âne, mais ça ne me fait rien: cette sorcière est étrange du début à la fin. Même-ci la fin n'est pas encore écrit... j'espère qu'elle ne le sera jamais. Je reprends mon masque habituel. Je regarde d'abord en l'air, loin derrière elle, puis reporte mon regard devant moi en soufflant. Comme-ci le poids des années sort de mes mes épaules par la bouche.
Je crois que je n'ai plus grand chose à perdre maintenant, autant être sincère et continuer à rester moi-même. Elle a l'air de se méfier de moi tout d'un coup, bien plus que tout à l'heure. Une méfiance qui se veut menaçante du genre "raconte moi des connerie et tu finis en sachimi. Je ne suis pas dupe." Et je le sais qu'elle ne l'est pas, c'est pour ça que je déballe tout. Ou pour autre chose... Qui sait?

"Je suis un gardien de l'art du tissage. Je suis venu ici pour parfaire mon entraînement sur le conseil de mon regretté maître. Elle m'a mis en garde contre les sorcières mais..."

Mais je ne pouvais avouer que *je ne me sens pas si mal avec toi*

"... Je ne me sens pas si mal avec toi"

Qu'ai- je dis? Suis- je devenu fou? D'abord, je l'ai tutoyé, un manque total de respect envers une sorcière! De plus... De plus... De plus je raconte des conneries! *Qu'est ce que disait ma mère déjà? Tourner trois fois la crête avant de jacqueter. J'aurais dû l'écouter: une crête ne serait pas si mal sur moi.* Et encore une fois, pour dissiper ma gène intérieur, qui ne se répercute nullement sur mon visage impassible, je me perds à des pensées idiotes.

"Depuis quand se
tutoie-t-on ? Apparemment vous tenez à rompre la glace assez vite. Vous
vous lassez de me vouvoyer ? Hé bien moi non, Monsieur Barth."

On dirait que je l'ai légèrement vexé. Juste assez pour passer en cours martial. s'il y en avait une. Tant pis, j'ai dit ce que j'ai dit, je ne peux ni renier mes paroles car elles sont sincères, ni revenir sur mes pas: je n'ai plus qu'à aller de l'avant.
Elle plisse les yeux et me transperce du regard. *Je deviens transparent* Elle cherche sûrement à déceler mes émotions, mais je suis surentraîner pour ce genre de situation. Elle me sourit pourtant, mais cette chaleur et cette apparente amitié n'est rien d'autre qu'un masque parmi tant d'autre *j'en ai vu tellement*.
De toute façon, je ne peux plus reculer, je vais donc tenter le tout pour le tout: c'est tout ou rien.

"Effectivement Chayana, j'en ai plus qu'assez de faire comme-ci nous étions des étrangers, on ne l'ai plus depuis longtemps! Et tu ne me feras pas croire que tu es une bête féroce assoiffée de sang qui va me sauter à la gorge pour ce genre de motif."

Je ne sais rien d'elle et pourtant j'ai la forte impression de dire vrai. J'ai pourtant une peur secrète: celle qu'elle ne me déteste à cause de ma trop grande bouche.

"Et je vous prie de cesser de me vouvoyer et de m'appeler Arthémis, car tel est le nom avec lequel mes amis m'appelle"

Je n'en ai aucun, mais on va dire que dans une vie alternative c'est ce qu'il se passerait.

Son sourire change de nature. Son regard pétille *est- ce la même capricieuse de tout à l'heure? Était-ce seulement elle?*


"Bien Arthémis. Et
dis-moi qu'est-ce qui te fait croire que je ne suis pas justement une de
ces bêtes féroces assoiffées de sang ? On ne se connait pas, mis à part
nos prénoms. Et pourtant je t'ai menacé avec un couteau."
Elle fait ensuite un geste provoquant par pur amusement: elle tapote sa cuisse à l'endroit où son arme est rangée. Le souvenir s'impose à moi et me fait sourire intérieurement. Je crois qu'elle a un curieux sens de l'humour. Un humour assez malsain et noir comme ses cheveux. *Je crois que je l'apprécie finalement*
Elle s'approche de moi d'une démarche neutre qui provoque en moi comme un trouble qui me statufie. Je ne me sens plus. Ni de corps, ni d'esprit. Je ne suis plus qu'étonnement. *Qu'est- ce que je dois faire? Me serai- je trompé?* Je panique: elle tend sa main vers moi, mon visage. *Quelle énigme!*
Elle effleure ma joue doucement, trop doucement, tout en gardant ce sourire qui la caractérise tellement. Ce sourire qui me hantera toute ma vie. Ce sourire que j'apprécie. *Devrais- je avoir peur? Non, elle ne me fait pas peur, au contraire! Je ne la sens pas hostile et je ne le suis pas*

Je souris pour la deuxième fois de la journée puis attrape sa main qui est devenue chaude avec le temps et... la remet le long de son corps. *Bordel ce qu'elle me trouble, qu'est ce que c'est? Une femme? Un ange? Un démon?* Je sens un vent léger se lever et venir relever mes cheveux tranquillement. Les siens partent sur un côté au point qu'il sont carrément à l'horizontal! *Putain ce qu'elle m'impressionne de près... Un peu trop à mon goût*

"Allons- nous en, nous avons assez traîné dans cette forêt, tes sœurs vont s’inquiéter et venir me faire la peau."

Ces quelques paroles sont celles d'un lâche qui a peur de ses sentiments. Des sentiments nouveaux et incontrôlable. L'incontrôlable m'effraie.

Sa réponse me fait l'effet d'une lame de couteau, tout aussi aiguisé, si ce n'est plus, que le sien. Je me sens minable d'un coup, cette révélation venue du plus profond de son âme*Depuis quand une sorcière possède une âme?* me laisse bouche bée. J'ai envie de m’excuser, de la rassurer, de juste lui parler, mais rien ne vient. Avoir fait une gaffe monumentale m'apprends à ne plus l'ouvrir à moins d'être sûr de ce que je dis... *Enfin je l'espère... possible... on verra*.
Je sens son pouls se décéléré entre mes doigts. En effet, je n'ai pas pu lui lâcher la main, je n'en ai juste pas eu l'occasion à cause de ma trop grande stupeur. Je n'en ai pas envie non plus en fait. De toute façon, je sais maintenant qu'elle s'est calmé et que donc, je peux lui parler comme tout à l'heure. J'ai même l'impression qu'elle est un peu trop calme... Elle regarde la source d'un mouvement de tête. J'en fais de même par réflexe. *Qu'est ce qu'elle cherche?*

Elle est silencieuse depuis déjà quelques secondes, tout en regardant la source, comme-ci une grande décision la taraude. Chayana me serre de plus en plus fort la main, au point que je me sens comme emprisonné par elle. *Qu'est ce qui lui prend? Je devrai peut- être me dégager avant qu'il ne soit trop tard... trop tard pourquoi? Je ne sais pas et je ne veux pas savoir* J'essaie de sortir ma main de son étreinte. D'abord avec douceur, presque une certaine timidité, puis un peu plus fermement, mais rien y fait: elle ne veut toujours pas me lâcher.

"Viens."

Elle m'entraîne, ou plutôt me traîne, à sa suite. Je la suis volontiers, espérant ne pas avoir à le regretter.

Mon rythme cardiaque s'accélère, notre vitesse aussi. On marche de plus en plus vite, main dans la main, avec l'impression étrange de savoir où aller, sans vraiment savoir... C'est très difficile à expliquer, mais peut-être résumer plus simplement par *Un confiance sans faille en ma compagne de randonnée* Ouais, c'est ça: je lui fait confiance! Je me prends des branches souples sur la figure à chaque fois qu'elle fait un détour, mais je m'en fiche, je suis le rythme. Son rythme.
Par moment, sans crier gare, elle se tourne vers moi de son magnifique sourire jovial puis place sa main sur mon torse, me bloquant autant la respiration qu'un coup de poing bien placé. Pourtant, ça ne me fait aucun mal, au contraire, cela m'apaise. Elle m'apaise. Puis une excitation nouvelle vient me revigorer et les effluves d'un parfum naturel et sauvage vient me gonfler les narines. Elle est à la fois mon calmant et ma dose d'adrénaline. Ce simple geste me fait devenir homme.

- Essaie donc de m'attraper.

Je cours après elle les yeux grands ouverts, mes lèvres étirées dans un sourire amusé. *Bordel ce qu'elle est chiante, je me sens transporté* J'évite branches et rochers, sautant par dessus parfois et essayant de l'attraper à plusieurs reprises, mais rien n'y fait: elle est comme un poisson dans l'eau. Une eau bien trop profonde pour moi.
Son rire cristallin accompagne chacun de mes pas. Les échos de sa voix donnent un caractère mystique à cette forêt qui n'a l'air de n'avoir aucun secret pour elle. *Elle doit y venir bien plus souvent que n'importe qu'elle autre habitant de Witchland*

Tout à coup, la forêt se fait moins dense, la végétation se rétrécis de plus en plus. Je commence à me douter où elle veut m'emmener, même- ci je n'y suis jamais allé. Nous débouchons dans une falaise. Cette falaise est un précipice vers les eaux d'une cascade en face. Cette cascade n'est pas énorme, mais l'arc en ciel qu'il forme rend ce lieu féérique.
Je crois comprendre ce qu'elle veut: nous allons devoir prouver notre courage. Elle est arrivé un peu avant moi, bien évidemment, je la rejoins au bord de la falaise.

"C'est haut"

Je la regarde un petit moment et me rends compte qu'elle n'a pas de chaussures. Ses pauvres jambes sont en sang, sans doute dû aux ronces et autres plantes dangereuses de la forêt. Je ne m'inquiète pas pour autant car j'ai l'impression que ce n'est pas la première fois que cela arrive et non plus la dernière.
Sentant la tension monter d'un cran, j'attrape sa main, puis regarde en bas en prenant une grande inspiration.

"C'est parti"

Je saute.

Mon coeur rate un battement, mon cerveau explose. Durant la chute, ma tête et mes membres ne cessent de me maudire et de me louer. Chaque centimètre me séparant du dénouement me donne un unique haut le coeur qui continue tout le long. Au bon moment, nous nous lâchons la main et nous touchons l'eau d'un même plongeon.
Ayant une petite expérience sur les chutes vertigineuses, je ferme les yeux au contact de l'eau et me laisse aller au gré de ma vitesse. Je ne contrôle plus rien *Ce que ça fait du bien!* Ce n'est qu'en sa présence que cela est possible et une grande décision vient de s'imposer à mon esprit embrumé. Alors que je sombre de plus en plus profondément dans les eaux, mon coeur devient plus ferme, ma décision est prise.

J'aperçois cette belle silhouette sombre appartenant à Chayana. Elle remonte bien plus vite que moi, avec une certaine souplesse qui me laisse admiratif. Je me sens tout à coup d'une humeur taquine, je m'enfonce un peu plus dans la vase. Je peux tenir sous l'eau bien plus longtemps que beaucoup de gens, cela a fait parti de mon entraînement.
Je l'observe dans le noir des profondeurs, les yeux rieurs. J'attends que sa panique prenne un peu d'ampleur, car je la sens paniquer. Elle bouge et me cherche *Mais tu ne me trouveras pas...* Je bouge à mon tour et m'élève vers elle *...C'est moi qui t'ai trouvée* Je nage en tendant la main vers le haut puis attrape son pied, le tire violemment vers moi, remontant avec plus de facilité et la laissant un peu sous l'eau. La voyant remonter, je l'encercle brusquement par la taille de mes bras en souriant et lui chuchote doucement à l'oreille.

"Bouh"

*Je ne te lâcherai plus*

Elle me surprend de plus en plus: elle passe ses bras autour de mes épaules et pose son plus beau regard sur moi. Je me sens rougir de l'intérieur, mon coeur n'est plus qu'un tambour battant. Elle joue avec moi au moins autant que je joue avec elle. Je tiens comme ça, dans cette position, durant un bon moment. Je ne pense à rien, seulement à elle. J'espère à chaque secondes qu'une autre passera sans que rien ne vienne gâcher ce moment.

-Bravo, tu as réussi à m'attraper.

Je souris de toutes mes dents et elle sourit à son tour. J'ai envie de lui dire quelque chose, une chose que mon coeur me dicte depuis que je l'étreint dans mes bras. Trois mots qui portent le poids de dix mille tapis de l'ancienne perses. Mais rien ne vient.
Elle me lâche enfin, se retourne et nage. Ma gène est trop grande et augmente au fur et à mesure que je nage moi aussi. Je me sens trembler en la suivant, pourtant, je n'ai rien fait de mal...Je l'ai vu rougir quand on était face à face et je ne sais comment interpréter ce signe.

*Le truc classique de la cascade cachant une grotte*
En effet, derrière les eaux ténébreuses de la cascade se trouve une grotte que je n'aurais jamais remarqué seul. Ce qui veut sans doute dire que ce n'est pas la première fois qu'elle vient là. Peut-être même qu'elle a déjà fait le saut que l'on a fait.*Pire: avec quelqu'un d'autre!* Cette hypothèse me bouleverse.
Il y a là des traces d'une visite récente, mais comme ma compagne de route n'a pas l'air de paniquer, je n'en tiens pas compte. Cela doit sûrement être d'elle. Elle doit amener des amis à elle ici. C'est ce que je ferai si j'étais à sa place.* Peut-être qu'elle me considère un peu comme son ami alors?* Je boue de l'intérieur même-ci la grotte commence à se rafraichir à cause de la nuit qui tombe et aussi du fait qu'une grotte sous l'eau n'a pas beaucoup de chance d'être chaleureuse.
Elle s'assit près d'un foyer avec du bois sec juste à côté *Prévoyante la petite*. Je me place en face d'elle. Elle fouille dans son sac et trouve des plantes médicinales et se frotte avec. Médicinale car je ne vois pas ce que ferait une sorcière d'une quelconque herbe. *De toute façon, je n'y connais rien à la nature à part les trucs habituels: lapins, cerfs, arbres...* Je pense, je pense... pour ne pas parler. Mais je le dois, j'en ai envie.

"T'es plutôt mystérieuse comme fille quand même! Qu'est ce que tous ces endroits improbables? Je me demande si tes amis te suivent toujours dans tes délires d'exploratrice?"

J'avais pris un ton assez familier et cela m'étonne un peu, mais tant pis. Je me sens trop bien avec elle pour jouer les timides.