"Ces endroits
improbables, comme tu dis, j'ai mis plusieurs mois à les découvrir et à
connaitre le chemin pour y aller. Je suis arrivée il y a un peu plus
d'un an ici, donc je n'ai pas énormément d'amis. Et figure toi que cette
grotte me sert plus d'abri qu'autre chose. Des délires
d'exploratrice... Tu parles. Je n'ai jamais encore emmené personne ici,
et je n'avais jamais sauté d'aussi haut."

Le regard froid et presque cinglant qu'elle me lance me fait froid dans le dos. je redoute la suite.

"Ne te sens pas spécial
pour autant, je ne t'ai pas emmené ici pour te protéger de mes "soeurs".
Tu m'as suivi ici, c'est tout. Je n'aurais jamais cru que tu allais
avoir le cran de sauter, avec ou sans moi.
- Je ne me sens nullement spécial, j'ai juste eu l'impression d'avoir peut-être vécu quelque chose d'unique et merveilleux, sinon, y a rien de spécial là- dedans"

Mon sarcasme m'étonne moi- même, mais elle m'a titillé, c'est elle qui l'a cherché... Oui, je suis un gamin. Je pense l'avoir un peu refroidis car elle se colle de plus en plus à ses jambes au point que son menton touche ses genoux. *Elle a froid la pauvre, elle ne doit pas être aussi habitué à la rudesse des intempéries... Ma maman, tu peux dire que tu m'a bien servi*
Elle cherche quelque chose dans son sac. Sûrement un dague pour m'égorger. Je devine aisément par l'expression déçue de son visage qu'elle ne trouve pas ce qu'elle cherche. *J'ai bien envie de lui proposer mon aide, mais j'ai pas envie d'en rajouter...*

"T'aurais pas de quoi allumer un feu ?
- Non"

Je commence tout à coup à comprendre ce qu'il se passe: elle veut allumer un feu et n'a rien pour, à par ce bois sec inutile... *On est pas dans la merde*. Je commence à avoir très très froid. J'avais déjà la chaire de poule en entrant dans ce lieu. Je me débrouille pour avoir la même position qu'elle puis la regarde dans les yeux.

"On a deux choix: soit on meurt de froid, soit on trouve un moyen de se réchauffer"

J'ai bien une méthode en tête, mais je préfère la garder en dernier recours. Pour commencer, on va essayer la classique: la bougeotte.

"Lèves- toi, on va faire un peu de sport pour réchauffer et l'atmosphère ambiant et nos corps endoloris."

Je me lève sans attendre sa réponse. Je tends mes bras les rendant plus rigides que le bois *Pas difficile avec ce froid* Puis je les lève et les rebaisse dans un rythme soutenu.

"Allez! Lèves- toi et essaies de suivre mes mouvements"

Ce que je fais? J'espère reproduire un séance de step vu à la télévision...

"C'est... ridicule."

Je continue cependant mes mouvements. Je la regarde vite fait et m'aperçoit qu'elle a finalement changé d'avis. Elle me suit même dans tous mes mouvements avec beaucoup de sérieux. Je pense que l'on pourra s'en sortir de cette façon après tout... *Enfin j'espère...*
Au bout d'un court moment, je me rends compte en la voyant qu'elle avait totalement raison: on est ridicule! Je me retiens fortement de rire avec des spasmes à chaque seconde. Je me demande combien de temps je vais tenir comme ça. Elle s'arrête brusquement alors qu'elle tenait le mouve avec beaucoup de classe et s'éclaircit la voix.

"Bon, c'est tout à fait ridicule mais je reconnais que ça fonctionne."

Je lui lance un rapide coup d'oeil en souriant.

"J'ai toujours raison"

Une parole tout à fait amusante pour moi. Je sais que ce n'est absolument pas vrai mais *j'aime faire genre, pour le fun* C'est quoi ce mot?... Et c'est quoi cette nouvelle façon de penser? Je deviens un peu trop insouciant, je commence à me laisser aller, ce n'est pas bon. *Mais ça fait du bien*
Je commence peu à peu à me réchauffer moi aussi et je regagne confiance en moi. *Il se peut que nous ne mourrions pas au cours de cette nuit... Il ne faudra peut-être pas utiliser le dernier recours! C'est génial!... Vraiment?...*

Perdu dans mes pensées, je ne remarque pas qu'elle m'observe depuis un bon moment. Je ne m'aperçois pas non plus qu'elle a cessé ses exercices et qu'elle se met à rire. C'est quand les échos de sa voix parviennent à mes oreilles que je m'éveille et la voit se tordant de rire. Je la regarde d'un faux oeil sévère en prenant une mine vexée, puis pose mes poings sur mes hanches la regardant en biais.

"Tu te crois maligne je me trompe Chayana? Tu cherches les problèmes là je me trompe?"

Je commence alors à danser partout dans la grotte en sautant et tournant "gracieusement". Je crois bien que ses rires redoublent d'intensité. Je tourne continuellement autour d'elle qui ne cesse de me suivre du regard, en dansant tel un danseur du lac des signes, le talent en moins.
Je m'arrête soudainement devant elle, à deux mètres, puis tourne à toute vitesse sur moi-même. Je tourne de plus en plus vite sans jamais ressentir le moindre vertige car je me suis habitué dès mon plus jeune âge à le faire. Pour tout avouer, je voulais devenir danseur, mais comme dis avant, je ne suis pas assez doué.
Je m'arrête d'un seul coup, aussi brusquement que j'ai commencé à tourner, juste devant elle, les yeux fermés. Puis j'ouvre les yeux et la regarde en souriant de toutes mes dents. Je sens mon coeur qui s'accélère. Je tends la main droite à Chayana en me penchant vers elle, la regardant droit dans les yeux.

"Voulez- vous bien danser avec moi ma mie?"

Une petite plaisanterie de circonstance. *Qu'elle me le demande et Je danserai avec elle jusqu'au bout de la nuit*

"Avec joie."

Je lui prends doucement la main et ramène vers moi son propriétaire. Je la fais tourner assez rapidement, ce qui fait voler ses cheveux dans une spirale infinie. Puis je la prends dans mes bras, mains entre la taille et les assailles, dansant de plus en plus vite, dans un rythme de plus en plus accéléré. *Une autre façon de se réchauffer*
Mon souffle devient plus fort à mesure que je mène la danse. Et à chaque fois que l'on se retrouve corps à corps, je la sens chaude, brulante même, son rythme cardiaque sur le point d'exploser. Le mien intensifie encore plus le sien, répondant à ses battements par les échos des miens. On est en totale symbiose.
Quand le rythme est à son apogée, je la renverse brusquement à la diagonale, ne me détachant pas de ses yeux sombres, sa main droite dans ma main gauche, la tenant par le bas du dos, au niveau de la taille. Je reste d'abord sérieux. Et quand elle s'y attend le moins, je lui balaye les deux jambes en même temps tout doucement et avec légèreté en lui souriant de toutes mes dents. Puis je la soulève, mon bras droit sous son cou, l'autre bras sous ses jambes et je tourne de plus en plus vite en riant.

Je la dépose enfin par terre en me penchant sur elle pour qu'elle ne se retrouve pas mal allongé. *Par contre, mon visage est un peu trop près du sien* Je rougis violemment. Alors qu'elle est posée, bien encré dans le sol, je ne bouge pas. Je n'arrive pas à bouger pour être plus précis. *Encore plus précis mes amis: je ne veux pas bouger* Mon visage ne quitte pas le sien et j'ai comme une envie sourde. Une envie qui vient du fond de mon coeur. Une envie que rien ni personne ne pourra m'empêcher d'exécuter.
Je baisse mon visage encore plus bas, le penche plus près du sien, au point que nos souffles et notre respiration se confondent. Je me sens défaillir, mais je ne m'arrête pas car rien ne peux m'arrêter, rien. Et enfin, je dépose mes lèvres sur les siennes, tout doucement et l'embrasse du bout des lèvres, goutant à cette saveur comme je n'ai jamais rien goûté.
Je me projette brusquement en arrière, tombant sur l'arrière train, une expression horrifiée sur le visage. Mes yeux s'embrument, mes narines s'ouvrent et se referment très rapidement. Mon coeur bat tellement vite que ma poitrine se soulève très rapidement. A cette instant, j'aimerais qu'il explose et me laisse mourir là, à ses pieds.*Qu'ai- je fais?*

Alors que je me tiens la tête d'un air de dépit, elle s'approche de moi silencieuse et calme puis se pose devant moi. J'ai envie de la regarder, je veux lui sourire du moins, mais mon corps refuse de m'obéir. Une honte profonde vient de s'installer. C'est au- delà de toute gène, s'en ai monstrueux.
*Tu n'as rien fais de mal, tu n'as rien fais de mal, tu n'as rien fais de mal...* Ce qui est totalement faux bien évidemment. J'ai en premier lieu passé outre mon statu de simple gardien, de plus je n'en ai fait qu'à ma tête, sans prendre compte une seule seconde de ses sentiments à elle. En somme, je suis allé trop loin.
Je vois alors une main se tendre vers moi *C'est... la fin?* puis elle me caresse la joue tout doucement, comme à un enfant que l'on voudrait réconforter.*Ça marche en tout cas, je me sens beaucoup mieux* Je ferme les yeux pour en apprécier toute la saveur avant qu'elle ne l'a retire et me chuchote à l'oreille avec une douceur presque surnaturelle, une douceur qui apaise les coeurs. Le mien.

"Ton maître t'avais prévenu non ? "Méfie toi des sorcières !""

Un froid inhabituel traverse mon échine et mes pensées s'égarent. Ils se dirigent tout droit vers mon maître, cherchant par son souvenir un moyen de retrouver le courage nécessaire pour affronter Chayana à nouveau.
Je sais qu'elle m'aurait tabassé pour avoir fait ce que j'ai fait, mais une chose est encore plus certaine: elle n'aurait jamais voulu que je perde la face après avoir échoué, mais que j'aille jusqu'au bout des choses, que je ne fuis pas. Elle m'a appris à vivre et à mourir avec honneur et courage, alors cette situation, qui n'implique ni la vie ni la mort, ne doit pas me démoraliser de cette manière*Lèves- toi et marches*

"Tu te méfies encore de moi ? C'est fou ce que j'ai l'air dangereuse."

Elle m'embrasse sur la joue puis recule de quelques pas. Je lève la tête vers elle et la regarde droit dans les yeux. Elle ne sourit pas du tout. Moi par contre, je lui souris sans ouvrir la bouche, non pas un sourire au coin mais un large sourire.

"Je n'ai plus froid, pas toi? On devrait dormir un peu, on va avoir une dure journée demain, en tout cas, on devra se lever tôt de façon à rentrer en ville avant que les prochaines missions soient affichées, il y a un renouvellement dans presque tous les rangs il parait."

J'ai effectivement changé de sujet exprès. En effet, sa question n'a pas de réponse pour moi. Je ne la connais pas assez. Je me lève puis me dirige vers elle car juste derrière elle se trouve nos affaires, là où nous allons devoir passer la nuit.
Je lui prends la main et me dirige vers nos affaires.

Je m'assois et attends qu'elle en fasse de même. Elle se place à côté de moi et nous restons silencieux un court moment. Je sens la froideur de son regard sans en voir la couleur. *Cela ne me fait que peu de peine, je la comprends en même temps, je ne suis qu'un gros connard* Je joue avec un bâton trouvé près de l'ancien foyer. Je trace des cercles avec les cendres.


"Ça m'a bien plu."

J'ouvre grands les yeux en regardant mes dessins avec un gros pincement au coeur. *Je me demande à quoi elle joue?* Je l'interroge du regard en espérant qu'elle ne se moque pas de moi.

"Ça faisait longtemps que
je n'avais pas ris comme ça, il en est de même pour la danse. Ça remonte
à plusieurs années. Je peux te poser une dernière question, avant que
tu dormes ?"

*Ah, c'est à ça qu'elle pensait... Ok...* Je me moleste intérieurement. *Quel con, j'allais sortir une grosse connerie* Je veux lui répliquer que rien n'est plus tendancieux pour moi que de lui refuser une demande qu'elle n'a pas formulé, un truc inutile quoi, mais elle me devance:

"Pourquoi es-tu venu quand
je dormais, juste pour m'abriter de la pluie ou bien parce que tu avais
une autre idée en tête que de m'aider ?"

*Je réponds ou pas?...* Je passe ma main dans mes cheveux en passant par le front, utilisant mes doigts comme d'un peigne, puis je lui lance mon regard le plus transperçant. Je ne cherche qu'à la défier de ne pas me croire, parce que comment dire?... *Je ne suis pas un mauvais bougre.*

"Je n'ai cherché que ta sécurité, car on m'a toujours appris à aider mes potentiels alliés. En fait, si tu le veux vraiment, je peux être ton allié.
Je sais que tu hais tes sœurs, tu me l'a assez répété, mais moi je n'en fais pas parti. Et sache que ce que j'ai fait n'est pas juste momentané, je le ferai autant de fois qu'il le faudra. En somme, quand tu courras dans les champs ou autre part, quand tu auras besoin d'une quelconque aide et que je passe par là, tu peux être sûre que je viendrai à ton secours. Et si tu as besoin d'aide pour quoi que ce soit, tu n'as qu'à venir me trouver. Et donc oui, ce n'était que par pure esprit d'entraide. J'avoue que j'ai aimé jouer ce rôle d'ange gardien."

Elle ne répond pas tout de suite. Elle se rapproche d'abord de moi, m'intimidant presque, puis pose sur moi un regard étrange... *fascinant, ses yeux jaunes me fascinent... Elle me fascine!* J'essaie de garder mon regard fixe, mais je ne cesse de vouloir la dévisager complètement. En plus avec ce tatouage bizarre...

"Pour quelle raison
saugrenue ne serais-tu pas mon allié ? Comme tu l'as dit, tu n'es pas
comme mes "soeurs". Si je t'avais considéré comme tel, tu l'aurais sur
bien plus tôt.. Et, si tu as aimé jouer ce rôle d'ange gardien, pourquoi
ne continuerais-tu pas de le faire ? Je n'aime pas être seule, même si
parfois je suis obligée de le rester. Je sais me défendre seule, mais
une présence bienveillante à mes côtés ne serait pas de trop."

Une émotion incontrôlable, pas pour moi bien sûr mais façon de parler, viens d'éveiller mon cerveau, d'attiser mes sens et de m'appeler à une écoute plus qu'attentive. Si je la connaissais mieux que cela, je me dirais qu'elle me fait une proposition de partenariat. *Ce doit être un genre de rêve tordu, ça ne peut- être que ça...*
Un petit sourire timide vient étirer ses lèvres. J'ai envie de lui sauter dans les bras et de lui dire oui jusqu'à la fin de ma vie. Je déborde visiblement d'une énergie nouvelle.

"Et je serais ravie de danser avec toi, lorsque l'occasion se présentera."

S'il y avait ne serait- ce qu'une once d'hésitation en moi, elle vient de s'envoler*Cette fille sait me parler*. Son seul regard en disait long sur sa sincérité.

"Je le veux plus que tout au monde. Je serais très heureux d'être ton protecteur et de t'accompagner dans tes aventures les plus palpitantes au plus banales. Je suis très honoré."

Tout sourire, Je lui lance son châle à la figure en riant.

"Dormons, maintenant"

Elle prend son châle et le remet à sa place: sur ses épaules. Je me renverse sur mon épaule gauche et pose ma tête contre un rocher. Je n'arrive pas à dormir la tête en l'air. Elle s'allonge en face de moi et je la regarde dormir.
On s'observe plus précisément, de cette observation neutre, sans aucune pensée, sans la moindre analyse. Je ne veux que la regarder et avoir pour dernier image avant de sombrer, son visage. Elle en fait de même je crois. Puis nous fermons peu à peu les yeux avant de nous endormir complètement.
J'exagère un peu en écrivant complètement car je suis à un quart éveillé, ce qui est un bon début de confiance en elle car je ne dors qu'à moitié normalement. Un quart de sommeil représente la possibilité de faire un rêve. Je rêve de cette journée qui se finit. De tout ce que l'on a vécu et de tout ce que j'aurais aimé vivre... Je déraille. Ce n'est qu'un rêve.

Au réveille, elle est la première levée. Elle n'est pas là en fait et je crois savoir où elle est. Je sors de la grotte et vois une chose bien délicieuse: La jeune sorcière sous la cascade, habillée bien évidemment, en train de se frotter doucement les cheveux, les yeux fermés et levés vers l'origine de la cascade.
Je souris de plaisir devant ce spectacle. Je me promets alors de reproduire cette scène un jour sur une tapisserie personnelle que je lui offrirai en gage de mon amitié. Elle s'arrête soudainement de se frotter les cheveux et me regarde de ses yeux mauves. J'en fais de même et me place à son côté droit, profitant moi aussi de l'eau bienfaisante.*c'est froid!*
Nous regagnons la ville en prenant tout notre temps, passant par la forêt d'hier. Nous regagnons ensuite chacun notre terrier respectif.