-I've always know, since I was a young boy. In this world, everything as good as bad.

Une petite mélodie résonnait du fin fond des rues de cette ville, une mélodie qui ne sonnait pas faux, soit dit en passant. Pas aux yeux de celui qui chantait en tout cas. Les passants ne jetaient pas de pierres, alors on peut dire qu'au final, il ne se débrouillait vraiment pas trop trop mal...

-Now my father told me always speak a true word, and I have to say that is the best advice I’ve had

La chanson ne faiblissait pas. Même, à mesure qu'il avançait, le son s'amplifiait, se répercutant sur les murs. Dans quelques instants, il rejoindrait la grand rue. Il entendait déjà les bruits des klaxons et des piétons pressés, insultant les conducteurs un peu trop distraits...Ou même les conducteurs normaux, juste pour la forme, pour se travailler la voix. Le chanteur savait très bien qu'une fois dans la grand rue, son attention se relâcherait. Oh non ! Pas la sienne, il était gardien, même dans ce genre de foule, il restait en permanence sur ses gardes. Non, il voulait parler de l'attention de ce type qui le suivait. Il était sûr qu'il y avait quelqu'un. Il ne l'avait jamais remarqué mais...Il était là ! Il en était sûr ! Ou peut-être était-il devenu parano, avec le temps ? Non, impossible...

-Monsieur James ! Monsieur James !

Le gardien haussa un sourcil et se retourna vers la droite, vers la voix qu'il entendait. Il n'aimait pas ces villes, trop peuplées à son gout, bien trop bruyantes aussi. Il était arrivé à la fin de la rue isolée, et maintenant, il venait de se faire interpeller par un gamin qu'il aurait pu reconnaitre entre milles, Sheemie, un jeune garçon un peu bêta dont James s'était rapproché au cours d'une des ses missions. Un bon petit gars, un peu benêt, mais très sympathique. Cette manie qu'il avait de l'appeler "Monsieur James" en japonais, avec son accent typique américain était amusant, et moins conventionnel et strict qu'un "monsieur Green". Le petit lui arrivait à hauteur de poitrine, quoiqu'un peu moins...Il devait avoir dans les seize ans et l'homme aux cheveux roux se baissa pour lui ébouriffer d'un geste plus amical que paternel. Il aimait bien ce petit gars, vraiment. A ce geste, Sheemie rougit légèrement, il n'avait pas vraiment l'habitude à être la cible de tendresses quelconque, et les petites habitudes de James le rendait toujours heureux, il pouvait oublier un peu le monde qu'il côtoyait habituellement, celui d'homme à tout faire dans un bar crasseux, juste en ce faisant mettre les cheveux en désordre. Ce genre de petit geste là vous changeait la vie quand vous étiez dans ce genre de situation, c'est bien vrai.

Le jeune homme se rapprocha de James, et lui tendit un billet de dix, que le gardien prit sans se déranger.

-C'est pour la fois où t'as empêché ces racailles de me tabasser ! C'est pas grand chose...Mais j'ai pas beaucoup.

En acceptant pas son argent, le borgne aurait blessé le garçon, mais il savait aussi que ce dernier n'avait réellement pas beaucoup plus qu'un billet de dix. Il acquiesça d'un signe de tête et le remercia gentimment, lui ébouriffant les cheveux de nouveau, et lorsque le gosse se retourna pour s'en aller, d'un geste habile et furtif, James lui glissa son billet, mais également toute une liasse, ce qui devait faire aux alentours de mille et quelques (pas grand chose pour un gardien qui se respecte), dans sa poche gauche. Il les enfonça bien pour qu'ils ne tombent pas, et regarda le petit s'éloigner. Quelques minutes après, il avait déjà reprit la route, et il sentait toujours cette présence dans son dos...Dérangeant, absolument dérangeant. Il se faufila dans les rues, jusqu'à sortir de la ville, ce qui lui prit, à pied, une bonne heure. Et pourtant, il était pas loin des limites. Il loua une moto, qu'il ne rendrait sans doute jamais, et prit la direction d'une petite ville tranquille, plus calme. Sa veste en cuir noire, une rayure jaune de quelques centimètres verticale à peu près au niveau des épaules, de chaque côté, volait au vent, au dessus de sa chemise blanche et de son jean bleu. Battant contre son corps, rabattu par le vent. Sous la visière de son casque, il voyait très bien ce qu'il faisait et évitait les obstacles avec brio, manquant par moment de rayer une peinture, de renverser une glace...

Il finit par se perdre sur la route. Il jeta un coup d'oeil aussi loin que possible, devant, derrière, partout. Personne. Et pourtant, toujours cette présence qui l'obsédait, ce regard qui semblait le bruler. Il eut tout juste le temps d'apercevoir les trois couteaux brillants qui venait de se matérialiser derrière lui, semblait-il, et il ne put les repérer qu'à l'aide de son rétroviseur. Il dérapa et son engin rafla au sol, son genou manquait de toucher le bitume de quelques millimètres à peine et les coutures de son jean, qui pendaient de trop, se retrouvèrent déchirées, formant un grand trou à ce niveau, couvrant tout le genou. Il se releva et éjecta son casque de sur sa tête, évitant une nouvelle salve d'armes tranchantes. Il le voyait maintenant, il venait de voir une légère empreinte sur le goudron, l'espace d'une seconde. Hors de portée, ses bacs de katanas (qu'il avait fait flotter grâce à la longueur d'onde, histoire de ne pas avoir à bousiller la moto trop vite) étaient disposés au sol, et semblaient misérablement attendre sa venue. Ses yoyos étaient dans ses poches, mais c'est vers son sabre, à la ceinture, que sa main plongea, vive comme l'éclair, en une ligne floue. Malgré tout, il trancha dans le vide. Une seconde après, il sentit quelque chose de gluant lui agripper le torse, et le projeter avec force quelques mètres plus loin, lui faisant faire un magnifique vol plané qu'il parvint tout de même à stabiliser, lui permettant de ré-atterrir sur ses pieds. Il était encore plus loin de ses armes maintenant !

Nouvelle vague de projectiles, contrée sans peine, et, aussi rapide que l'éclair, il fusa vers ses précieuses armes. Il savait comment blesser ce type, encore fallait-il qu'il puisse atteindre ce qu'il voulait ! A une distance qu'il jugeait bien trop proche, James sentit quelque chose l'effleurer, de nouveau cette chose collante qui l'avait projeté au loin. Il avait heureusement réussi à l'éviter, par hasard, mais il avait réussi. Il effectua un bond une fois suffisamment près et sans attendre plus longtemps, lança toutes ses armes vers le ciel, avant qu'elles ne retombent lourdement tout autour, évitant au passage l'utilisateur, la moto, et, malheureusement, le poursuivant. Quatre katanas se plantèrent à distance égales, et les banderoles s'installèrent tout autour, formant un carré jaune, l'aire de combat. Le rouquin se retrouva avec une lame plantée dans l'épaule, avant d'avoir pu bouger, et retint un cri de souffrance, bondissant vers l'avant. Il rengaina son arme, toujours en main, et sortit ses yoyos, les lançant immédiatement pour délimiter la zone, il y eut un petit temps où tout sembla s'être arrêté, un temps où une seule phrase se permit de rompre le silence.

-Fokkusu no kiba

Il tira d'un coup sec, et toutes les armes s'envolèrent, à tour de rôle, esquissant une rapide trajectoire rectiligne, tournant sur elles-mêmes, évitant soigneusement le gardien. L'une d'elle se planta dans l'inconnu, au niveau du poumon droit, pour être plus précis...Enfin, rien ne permettait d'en être sûr. Aussitôt la position de l'ennemi dévoilée, il se rua sur lui, lâchant ses yoyos et reprenant un sabre en main, et trancha dans ce qui semblait être le ventre. Le katana planté dans le corps de l'invisible se fit éjecté par le poursuivant, et les saignements cachés par...Quelque chose, surement des vêtements. Sa position était de nouveau inconnue, et il venait de disparaitre, surement pour aller se soigner...Mais il reviendrait.

Ce que ça pouvait faire mal, bordel de Dieu ! Il serrait les dents pour ne pas crier tandis qu'il finissait de se soigner, dans cette petite chambre qu'il avait, dans cette ville non loin de l'endroit où il avait été "agressé". Il l'avait loué en arrivant à vrai dire...Agressé. Plus il repensait à ce mot, plus il l'irritait. Agressé. Il avait l'impression de n'être rien d'autre qu'un vulgaire péquenot en se disant qu'il avait été la victime d'une agression. Quelqu'un d'agressé, en général, c'était quelqu'un de faible, ou quelqu'un qui tombait sur un groupe bien trop important pour pouvoir faire quoi que ce soit...Agressé bordel ! Comme si il n'était rien d'autre qu'un élève de primaire passé à tabac par un gros balèze de lycée qui en avait après ses bonbons. Ça l'énervait, oh oui que ça pouvait l'énerver ! Il venait de finir de se mettre un bandage tout autour de l'endroit qui irradiait tout son corps d'une douleur sourde, son épaule. Ses doigts remuaient sans peine, et son bras (à part à cet endroit où une lame s'était retrouvée plantée) bougeait plus ou moins normalement. Il survivrait, bien sur. Il avait eu de la chance avec l'endroit atteint par la lame, rien de trop dur à soigner, et il avait eut l'occasion de pouvoir l'enlever assez vite, avant que cet espèce de crétin invisible ne fasse plus de dégâts...Il n'était pas si fort que ça, ce crétin ! Comment avait-il pu se laisser avoir ? Comment ce mec avait-il suivi ses déplacements en moto ? Et surtout, qu'est-ce que c'était que ce truc avec lequel il s'était fait projeter ? Une langue, ou quelque chose du genre, vu le léger filet de bave qu'il avait récolté sur son haut après l'attaque...Entre temps, il avait eut le temps de se doucher, de changer de fringues, et de dormir un peu. Toujours sur ses gardes, cette enflure allait revenir et il comptait bien le découper en rondelle avant de se faire toucher de nouveau.

Un bruit. Immédiatement, James se redressa du lit sur lequel il était assis, à réfléchir. Il bondit sur ses pieds, une arme à la main, et pendant quelques secondes, il patienta. Nouveau bruit, quelqu'un toquait à la porte. Il s'approcha à pas de loup, pas une planche ne craqua, pas un bruit de grincement ou de plainte de vieux bois, ses pas étaient feutrés et légers, comme ceux d'un prédateur...Ou d'une proie qui tente de se cacher, image qu'il aurait préféré éviter. Il était prêt à défoncer cette porte et à faire un bon rumsteck avec le type derrière, si jamais celui-ci s'annonçait dangereux, mais il ne voulait pas trop s'avancer. Il n'était pas du genre parano, non, définitivement pas.

-Qu'est-ce que vous voulez ?

Sa voix était tranchante malgré lui, toujours cette douleur dans l'épaule, qui ne voulait pas partir. C'était ça qui l'irritait, cette douleur (supportable cependant) lui rappelait qu'il avait été suffisamment faible pour se laisser blesser par ce qui semblait bien ne pas être un pro, juste un assassin de bas étage engagé pour lui faire la peau. C'est une voix fluette mais légèrement apeurée (ce qui était compréhensible, au ton qu'avait pris James) qui lui répondit.

-Heu...Service d'étage...On a commandé un rosbif ici ?

Il se relâcha un instant, ce n'était visiblement rien de bien dangereux. Il s'apprêtait à répondre par la négative, lorsque quelque chose de bien distinct se fit entendre. Un "tic", suivi d'un "click". Une horloge...Et pas n'importe laquelle. Il connaissait ce bruit car ce n'était pas la première fois qu'un tueur était mis à sa poursuite, c'était le bruit d'une horlogerie qui faisait des ravages, celle d'une bombe. La femme à l'autre bout de la porte semblait elle aussi bien surprise car elle poussa un "oh", suivi d'un "qu'est-ce que..?", coupé par une déflagration puissante. James avait prit un peu d'avance et s'était éloigné en poussant un juron, la porte voltigea à travers la pièce, ainsi qu'une bonne partie des débris qui formaient auparavant les murs. S'armant rapidement de ses deux bacs qu'il passa autour de ses épaules via les bretelles, il put éclater la porte rapidement alors qu'elle fusait sur lui, reprenant rapidement sa course pour se diriger vers le balcon. Une vague de couteaux siffla dans les airs et alla se planter dans les murs, un de ses bacs, et la semelle de sa chaussure. Il retira ce dernier couteau d'un coup sec contre la rambarde de la véranda, et passa par dessus, faisant basculer son corps vivement, évitant une nouvelle salve qui lui retira net une petite mèche de cheveux. Il l'avait échappé belle. Tombant lourdement au sol, un étage plus bas, il aperçut les gens effrayés au rez-de-chaussée, qui se demandaient ce qui s'était passé. Il ferma l'œil un instant, le temps d'un douloureux clignement. La femme qui était apporter ce fameux "rosbif", que le tueur avait commandé pour planquer son stratagème, elle avait explosé, elle aussi...Comme le mur et la porte, elle avait dû voler à travers la pièce...Plutôt comme le mur, car elle ne devait plus être entière à ce moment là. Au moins...ça avait dû être rapide, du moins l'espérait-il...C'était tout ce qu'il pouvait faire pour elle désormais, espéré qu'elle n'avait pas souffert...Et c'était dur de se dire qu'il avait été impuissant. Si il n'avait pas été si méfiant...Il aurait pu faire quelque chose. Et cette autre connard invisible...

Il perçut un petit bruit à côté de lui et immédiatement il se retourna, son épaule heurta quelque chose...En plein dans le vide. Ça ne pouvait être que lui, il tentait de s'enfuir ? Quel idiot ! James dégaina et lui planta son arme au niveau de la gorge (ou plutôt, ce qu'il croyait être la gorge...Il se servait de sa propre taille pour tenter de viser, vu qu'il ne pouvait pas réellement savoir comment l'autre était bâti. Un cri de douleur étouffé se fit entendre et une gerbe de sang se mit à jaillir. Vu la sensation dans sa lame, il n'avait pas traversé la gorge, mais plutôt une épaule. L'autre devait être plus grand que lui d'une tête, voir deux. L'épée bien enfoncée, il dégaina autre chose, son yoyo, et avec le fil, la fixa bien dans le corps invisible, de façon à pouvoir le repérer, peu importe l'endroit où il irait, pendant ce combat. Quelques secondes à peine suffirent, il donna un grand coup en se servant de son corps comme axe de rotation, frappant avec un bac de métal. L'autre mec fut projeté sur plusieurs mètres et s'écrasa finalement contre la façade du bâtiment. Le même bâtiment qu'il avait défiguré avec ses bombes. D'un geste vif, James laissa choir ses bacs, s'empara de deux épées et fondit sur son adversaire. Une fois à portée (il ne pouvait le savoir qu'à l'arme plantée et amarrée dans ce corps sans contours), il trancha en croix, plusieurs fois de suite, les cris de cet homme sans corps résonnant dans ses tympans. Sa proie, ou plutôt, le chasseur devenu proie, fini par reprendre une consistance. Le gardien l'observa avec un regard lourd, soufflant légèrement, il n'était pas encore mort, mais il était bien mal en point. Il leva un bras, péniblement, en direction du rouquin, la voix cassée et saccadée par la souffrance qui devait le parcourir de long en large.

-St...St...Stop...Arrête je t'en prie ! Je...Je ne ferais rien. Je te dirais...tout !

Sa dernière phrase s'était prolongée, et le tout avait été expulsé dans un grognement long et pénible. Les gens autour ne prêtaient aucune attention à cette scène, ils étaient trop occupés à s'affairer autour de cet explosion, à ramasser les bouts de corps calcinés. James se mit sur un genoux, pour être à hauteur de cet homme glissant le long de ce mur, n'ayant plus suffisamment de force dans les jambes ou dans n'importe quel autre membre pour fonctionner comme il fallait. Le regard de jade du jeune homme se fit rassurant, et il posa une main sur l'épaule de celui qu'il avait bel et bien blessé.

-Tu vas mourir, tu n'en doutes pas. Mais si tu me dis qui t'as engagé, je ne te ferais pas souffrir...Sinon, ta mort sera bien plus horrible et douloureuse que cette pauvre femme, en haut...Je te le promets.

La menace et la promesse de mort douce semblèrent suffire, puisque l'assassin intima à son futur bourreau un mouvement pour qu'il se rapproche. James s'exécuta, et déposa son oreille près des lèvres du blessé qui, péniblement, articula le nom de son commanditaire. Le rouquin serra les poings, c'était donc eux qui avaient fait en sorte qu'il passe de vie à trépas ? Et bien il saurait faire en sorte que ça ne se reproduise plus...Il n'avait jamais tué sans que ce soit obligatoire, mais là, si il ne les faisait pas taire, il aurait du mal à abattre les prochains assassins, qui viendraient surement en masse, sans tomber à son tour...Comme promis, il resserra la main sur le pommeau de son épée et d'un coup sec, lui ôta la tête. Pas le temps de souffrir, il maitrisait parfaitement cette technique...C'en était fini de ce type là, mais d'autres allaient venir...Bientôt surement.