La jeune épée fronça les sourcils en entendant le discours de l'étrange garçon qui était apparu à la place du mystérieux objet volant. C'était bien le genre de refrain dont il se serait passé, l'ayant entendu tellement de fois quand il était plus jeune, dans les rues du quartier de Manhattan... Mais contrairement à ce qui se passait à cette époque, ce qu'il venait juste de faire devant les yeux de tout le monde n'était pas du vol, mais plutôt, selon lui, le juste châtiment pour un gosse d'à peine dix ans qui essayait de le détrousser. Alors qu'on l'accuse d'agresser un pauvre enfant sans défense, et de le voler...ce type avait faux sur toute la ligne, mais comme une réminiscence douloureuse, cette phrase sonnait en écho dans la tête de Durandal et le cognait de manière lancinante, lui faisant perdre quelque peu sa contenance. Il aurait pu s'expliquer, dire à ce type là qu'il avait dû rater un épisode de la scène, qu'il n'avait pas vu toute la poursuite, ou encore aurait-il pu lui montrer le carnet, et lui faire comprendre par l'aspect du bouquin que ce n'était pas un objet du village, ou bien même lui expliquer pourquoi seulement deux noms étaient gravés dans le livre, mais...il ne le ferait pas. Qui était ce type pour lui parler sur ce ton tout d'abord? Un albinos aussi étrange qu'impromptu, apparu comme ça en un éclat de lumière, sûrement pour un tour d'esbroufe, ce type était-il sérieux? Il voulait se battre? En tout cas, la machette était là pour l'appuyer comme argument. Mais c'était pur folie d'agresser un type hors du commun comme Durandal. Il n'avait vraiment rien dû voir du spectacle et manquer ses transformations en épée! Pourtant...même le katar que brandissait l'arme déguisée en touriste aurait découragé le quidam internationalement moyen. Alors que le garçon en face de lui le provoquait en duel, Kenyo eut un instant de réflexion. Se pourrait-il que cette provocation ne sois pas si insensée? Cet étrange garçon au faciès pâle, apparu à la place de l'ombrelle...était-il...un sorcier? L'Arme de Shibusen effectua un vif geste de recul, son katar brandit devant lui en position de défense. Une créature maléfique qui défendrait des villageois? Un autre disciple de la magie épargné par la corruption des sortilèges, comme cette jeune fill qu'il avait un soir rencontré? Cela semblait peu probable, pensa la lame runique, même s'il n'avait pas la capacité de percer la nature des âmes, le jeune Kyoudaisetsu aurait senti cette aura flétrie qui entourait ces serviteurs du chaos. Alors...oui, tout s'éclairait! Ce type avait bel et bien vu ses transformations...et il n'avait pas peur de le défier, car il était probablement une Arme tout comme lui...une ombrelle...quel genre de capacités pouvaient bien être siennes? Cette machette n'était d'ailleurs peut-être qu'un leurre afin d'endormir sa méfiance... Ce type avait l'intention d'en découdre "soit barre-toi, soit bats-toi!". Défendait-il cette famille? Il semblait parler cette langue également! Connaissait-il ce village...Bon sang, et si c'était une Arme alliée de ces voleurs, qui tentait de masquer de manière stupide le fait que Durandal ait été la seule personne flouée dans toute cette affaire? Regardant un instant le père qui s'était relevé, la jeune épée dû alors mal interpréter le léger sourire qui se dessinait sur les lèvres de l'homme, imaginant qu'il s'agissait d'un signe de complicité. Se tournant vers celui qui l'avait interpelé, il répliqua:

"Tu veux te battre? Ton discours ne tient pas la route." Lui montrant le carnet, il le rangea doucement dans une poche de son sac, puis se remit en garde. "Je crois que tu as très bien vu comment la scène s'est passée...si je ne t'avais pas vu avant que tu atterrisses, peut-être aurais-je eu des doutes, mais maintenant...je suppose que je n'ai pas le choix, Arme sauvage. Tu crois que le fait d'avoir ce pouvoir te permet de me menacer, parce que nous sommes égaux? Tu dois vraiment appartenir à ce village pour croire quelque chose d'aussi idiot... Ce carnet est bien plus précieux que n'importe quel babiole du marché de ce village, et le laisser à n'importe qui d'autre ne serait tout simplement pas acceptable. Je le garde, cette décision ne dépend aucunement de vos volontés. Tu veux me le prendre? Alors tu devras m'achever..."

Préparant sa stance de Jeet Kune Do, le jeune brun enleva son chapeau de touriste et fit quelques pas à reculons, jambes légèrement fléchies, le regard fixé sur l'albinos, reculant de quelques mètres dans l'allée qui débouchait sur une petite place intérieure ombragée par les bâtiments qui l'entouraient...

Réceptionnant le sac, Durandal s'arrêta un instant, saisi d'incompréhension. Pourquoi l'Arme sauvage avait-elle soudainement changé d'avis? Le jeune homme avait vu l'ombrelle s'élever dans les airs en évitant son coup, pour aller ensuite se jeter sur le gamin qui venait une nouvelle fois de chaparder ses effets.

"Merci..." fit la jeune épée avec un élan d'hésitation. Le jeune albinos qu'il avait devant lui jeta un regard noir au gamin qui fila sans demander son reste, puis il se tourna vers Kenyo, apparemment plus aussi désireux de défendre les voleurs qu'avant. Et surtout, la lueur qui habitait son regard auparavant avait en quelque sorte...disparu, laissant place à un œil plutôt neutre.

"Je peux savoir ce que tu fais? Tout à l'heure tu voulais me détrousser, et maintenant... cela me semblait évident mais on ne sait jamais, tu n'es pas non plus du coin je suppose?"

Vérifiant un instant que toutes ses affaires étaient bien présentes, Durandal alla récupérer son chapeau parasol, sans toutefois le mettre, pour ne pas perdre tout de suite sa crédibilité malgré ses vêtements de touriste. Fallait-il franchement que pour ses premières vacances il tombe sur un timbré lunatique qui n'en fasse qu'à sa tête à agresser une personne puis l'autre sans raison?

"Dis moi, comment es-tu arrivé ici? Tu es bien une Arme n'est-ce pas? Tu as voyagé sous ta forme je parie... Et à ce que j'en crois, tu ne dois jamais avoir entendu parler de Shibusen. Ça te dis quelque chose?"

Replaçant enfin son sac en bandoulière, Durandal fit quelques pas pour arriver au niveau du gars à la peau blanche, et lui montre brièvement l'apparence du bouquin qui lui avait été volé cinq minutes plus tôt.

"Ça, c'est un truc qui appartient à ma famille. Si tu magouille pas des trucs louches et si t'es pas écervelé je pourrais peut-être te faire comprendre ce que c'est, mais peut-être que tu t'en fous? Après je sais pas ce que tu fais mais moi je suis venu pour me la couler douce. Pas pour courir après les arnaqueurs ni les gens qui me prennent à tort pour un voleur. 'Kay? Je sais pas ce que tu fous ici, mais si t'es une Arme, je devrais peut-être me forcer à t'expliquer des trucs."

Dépassant définitivement son interlocuteur et partant dans les rues en réfléchissant au moyen de retrouver l'endroit où il était avant la course poursuite, il balança enfin dans son dos:

"Congèle là si tu veux, je me tire."