L’air était frais en ce début d’après-midi de janvier, mais aucune buée ne sortait de la bouche de la jeune femme qui marchait d’un pas ferme sur le trottoir goudronné. Les longues manches du manteau qui la couvrait se balançaient au rythme de son pas, tels des serpents inertes accrochés à ses épaules. Ses bras étaient croisés sur sa poitrine et sa tête était haute, une démarche princière dans une rue quasi-déserte si on comptait les rares bêtes qui osaient mettre leur museau hors de leur abri. Elle avait un but, comme tout le monde après tout car rares sont les personnes qui marchent sans s’attendre à avoir quelque chose au bout. L’esquisse d’un sourire se dessina sur ses lèvres lorsque ses yeux se levèrent pour se poser sur le panneau d’une boutique qu’elle connaissait de part un passage éclair quelques années auparavant. Elle s’était jurée qu’elle reviendrait ici un jour pour s’attabler comme elle l’avait fait et déguster un thé comme il en existait peu. Ce n’était peut-être pas le meilleur du monde, mais elle n’avait pas trouvé une autre boutique dans ce même monde qui puisse lui proposer une qualité si éclatante, une boisson aussi parfaite. Sot serait celui dont la pensée suggère que de tels épanchements à l’adresse d’une boisson chaude faite d’eau chaude et de feuilles n’est que pacotille. Le thé est un art et Siolith l’appréciait à sa juste valeur, l’estimant bien plus que n’importe quel art du combat ou de la violence.
La clochette tinta et immédiatement une odeur particulière lui frappa les narines lui renvoyant les souvenirs de sa mère, passant de longues heures à récolter, faire sécher et préparer pour elle et ses sœurs ce breuvage qui faisait tout oublier du quotidien à partir de l’instant où vos lèvres trempent dedans. Elle accrocha son manteau, et lissa les manches de sa robe tout en cherchant des yeux la place où elle pourrait apprécier le mieux son moment de détente. Jetant son dévolu sur une place avec vue sur un jardin, celui de la boutique sans doute, elle s’assit en poussant un léger soupir. Combien cela faisait-il d’années qu’elle n’avait pas pu s’asseoir ainsi, sans avoir de pensées obscures quant à l’avenir d’un monde pourri par la Folie et la corruption ? C’était tellement mieux ainsi, même si dans son fond intérieur, elle savait que toute période de paix n’était qu’éphémère comme l’insecte du même nom. On jouissait donc de la vie d’une manière tellement ingrate alors qu’elle pouvait vous être retirée simplement en traversant un passage piéton sans regarder. Ses yeux se perdirent dans la contemplation des arbres démunis de leur feuillage adoptant des poses de souffrance dans un froid hivernal. La neige avait vraisemblablement décidé de se passer de réveillon cette année préférant certainement les pôles au dam de la jeune femme. Qu’à cela ne tienne, Siolith n’allait pas se formaliser sur une absence de chute neigeuse alors qu’elle était venue là pour se reposer au calme en cette fin d’année. Elle ne prêta pas la moindre attention à la clochette qui vibrait à nouveau, signe qu’une nouvelle personne venait en ce lieu. Elle dirigea son intérêt en même temps que sa main vers un repli de sa robe, fouillant minutieusement dedans pour en sortir une boîte de belle facture qu’elle ouvrit en fronçant les sourcils : son kiseru. Elle ne désirait pas fumer, elle voulait sa tasse et ce fut d’une main inquiète qu’elle fouilla à nouveau dans sa robe et sortit une autre boîte. Un déclic se fit entendre lorsqu’elle l’ouvrit et cette fois, son visage ses yeux s’éclairèrent comme deux feux follets : elle savait bien qu’elle avait emporté de quoi. Elle sortit avec précaution l’une des nombreuses tasses qui étaient savamment disposées pour prendre le moins d’espace possible sans se briser et la posa sur la table avec sa coupelle et patienta après avoir fait un choix judicieux mais calculé.
Même au calme elle avait besoin de planifier ses choix afin que tout soit parfait, même en cas d’imprévu, une manie qui ne l’avait pas quittée, même dans la mort. Cette réflexion l’amusa au plus haut point alors que la théière semblait flotter vers elle dans les mains de la serveuse.

Elle tendit la main pour se servir puisque qu’elle était seule à sa table et qu’apparemment aucun miracle ne vient encore vous servir votre boisson par la magie.

Alors qu’elle portait cette tasse contenant ce liquide brûlant mais délicieux, elle fut arrachée de sa main pour terminer dans le gosier du nouveau venu. Assez étonnée pour ne pas faire le moindre geste, Siolith s’amusa intérieurement des mimiques et simagrées que le voleur faisait pour éviter de perdre son sens du goût suite à une brûlure intense dûe à l’ingestion barbare de thé de fleur de cerisier de la région de Fukuyama. Elle cligna deux fois les yeux alors qu’il semblait avoir perdue la vue suite à cette brûlure et la qualifiait de « vieille femme ». Certes, ce corps avait effectivement vu les millénaires défiler, mais malgré cela il gardait un parfait état de conservation dû à sa stase dans la Tour de Cléon. Si elle constatait l’âge même de son interlocuteur, il avait l’air assez jeune mais étant tout de même passé adulte. Selon la logique humaine, Siolith était plus jeune que lui puisqu’il y a moins de deux ans, elle arborait encore un physique de 10-12 ans tout au plus. Son passage d’un physique d’enfant à celui d’adulte était donc plus récent que lui… Sa main se leva un instant, puis elle passa l’éponge sur l’affront du jeune homme, préférant mettre cela sur le compte de l’inexpérience plutôt que sur celui de la bêtise. Saisissant la pince à sucre tout en se versant une nouvelle tasse de thé, elle effectua un geste de la main, amenant la pince sur le nez du jeune homme, sans acte de violence ni autre pensée négative, mais posant le métal sur la peau elle énonça un dicton bien connu de tous :

“Les apparences sont parfois trompeuses mon cher, les yeux ne sont que la fenêtre de l’esprit sur le monde.“

Elle ramena la pince vers le sucrier et s’empara d’un sucre. Elle positionna la main gauche au-dessus de sa tasse tandis qu’elle faisait tomber un de ces délicieux morceau dans la droite. Un petit bruit signala que le sucre venait d’arriver à destination sans que Siolith n’eut bougé les mains, usant de son talent naturel pour les Cercles de longueur d’onde. La clochette de la porte tinta une nouvelle fois pour annoncer l’arrivée d’un nouveau venu qui prit la direction de la table où la meister et le squatteur étaient installés. Il n’allait quand même pas lui aussi s’inviter à la fête ? Eh bien il semblerait que si, puisque déposa ses effets personnels devant lui tout en prenant place à la table. Il avait un air très distingué qui faisait penser aux riches Lords d’Angleterre et une tenue aussi rigide qu’un col amidonné. Mais elle appliqua très rapidement son dicton à elle-même lorsqu’il prit la parole en déclarant que certes elle ne le connaissait point, mais qu’à contrario il en savait un rayon sur elle. La plupart des gens qui la connaissaient ne pouvaient pas la reconnaître puisqu’elle n’avait pas croisé grand monde dans sa nouvelle apparence, donc il s’agissait de quelqu’un la connaissant depuis les récents événement de la Cité des Morts. Les yeux de Siolith prirent une teinte rouge-bleue et l’âme du nouveau venu apparut sous la forme d’un livre devant elle. Les pages étaient tâchées de sang mais pas du sien ; un Akuhei sans aucun doute, mais les vagues de Folie rendaient la lecture peu aisée et tout ce qu’elle pu voir, ce fut une image sous forme de croquis, un homme ayant des traits très proches de celui qu’elle avait en face d’elle, mais ce visage s’affaissa jusqu’à ne laisser plus que les os nus. Les yeux de Siolith redevinrent azurs, fixant le regard infaillible du Sir. Ce dernier mot lui était venu naturellement, non pas Lord, mais Sir, allez savoir pourquoi, le Soul Reading réservait certaines surprises qu’elle-même n’expliquait pas.
Qu’est-ce qu’un démon venait faire ici ? Pour elle de surcroit ? Elle était persuadée de ne pas avoir été suivie lors de son départ de la Cité alors qu’elle s’effondrait dans le monde réel, hormis par ses sœurs. C’était sans aucun doute quelqu’un de très fort pour se renseigner et pister, donc inutile de perdre plus de temps à tenter de s’enfuir puisque tout n’était qu’une question de temps. Restait à savoir la raison derrière tout cela puisque s’il avait voulu la tuer, il ne resterait certainement déjà plus rien de l’endroit.
Siolith attrapa la boîte qu’elle avait mise de côté et prit deux tasses et leur support sur une main tout en servant le thé de l’autre. Elle fit glisser les deux tasses un lançant un regard évocateur à l’autre homme qui voulait dire “Te crame pas cette fois“ et fit un signe à la serveuse qui leur apporta quelques biscuits. Du dos de la cuillère elle frappa la main du saugrenu alors qui tentait déjà de s’emparer de la coupelle entière et se servit. Elle soutenait le regard de l’akuhei et rompit le silence qu’elle avait installé après les paroles qu’il avait prononcées.

“Ce jeune homme est mon invité, il reste. Ces sujets dont vous avez à me parler n’ont certainement rien de confidentiel puisqu’il n’a été convenu d’aucun rendez-vous à l’avance.“

Elle porta la tasse à ses lèvres afin de cacher le début de sourire qui naissait ; si il s’agissait réellement d’un sujet important, il n’avait que deux solutions : soit en parler ici et maintenant devant l’autre, soit convenir d’un rendez-vous et prendre le risque de se faire espionner par cette même personne. Car Siolith ne savait après tout pas si le premier pique-assiette était un individu lambda ou si c’était aussi une personne qui attendait quelque chose d’elle…

Cet individu compliquait mes plans et cette lady ne faisait pas preuve d'aide à mon égard. Rien que par le ton de sa phrase je doutais qu'elle commençait à cerner la raison de ma venue. Il me fallait être attentif à toutes les choses se passant autour de cette table, remarquer chaque geste pour en lire la signification. Acceptant la tasse de thé et le liquide fûmant qui allait avec, je me voyais dans l'obligation de devoir accepter la présence de ce goujât.
Portant la coupelle à mes lèvres, je goûtais le thé qui avait été porté à une température quasi-parfaite. Il me devenait évidement que j'avais affaire à une jeune femme qui connaissait les arcanes du thé. J'espérais maintenant qu'elle rejoigne la Brigade Prestige non seulement plus pour ses capacités et sa force, mais aussi pour pouvoir dialoguer avec elle. Voilà longtemps que je n'avais point eu affaire à une lady d'un tel acabit, me dis-je, alors que dans mon esprit vous vous rappelliez à mon souvenir. Je tâchais de distinguer les effluves tournantes dans la boisson qui venaient chattouiller mon palais. Un brin de concentration m'était nécéssaire aussi fermais-je mes yeux. Le thé avait une petite note fruitée d'une extrême délicatesse, à peine perceptible. Le plant d'origine des feuilles devait être d'origine asiatique, sans pour autant être britannique comme le thé de Ceylan l'était. Ce thé devait être chinois, coréen ou japonais ; et sans doute était-il mêlé à des extraits de plantes. Je n'avais toutefois pas bu un tel breuvage depuis bien longtemps, aussi avais-je un peu de mal à sentir toute les fragrances du chaud breuvage.

Attrapant un biscuit, je gardais un oeil sur le jeune homme, me préparant à réciter mon discours, cherchant les paroles adaptées à une situation comme celle que je vous conte maintenant. Je n'eus toutefois que le temps de commencer à prononcer ma phrase que je fus coupé par le jeune indésirable. Apparemment était évident le fait qu'il y avait là une importante méprise sur les relations me liant à cette demoiselle. Puissiez-vous le croire, alors même que j'avais signifié mon arrivé en expliquant que je connaissais cette femme bien qu'elle ne me connaisse pas, l'inconscient pensait qu'il y avait un quelconque lien affectif entre nous deux. Comme si nous aurions pu être un couple. Je me laissa sourire d'un air agacé, je n'étais pas ici pour parler à cette femme de manière "privée" mais bien au nom de la Brigade.

_mes plus plates excuses, jeune homme ; nous ne sommes absolument pas en couple. Je me tournais alors vers la principale interréssée._Je fais partie de la Brigade Prestige. Vous en avez déjà rencontré un membre... Ou plutôt une membre. Lors des évènements du Cléon vous étiez accompagnée par une dénommée Keira Knowledge qui vous aida à triompher de votre soeur.

Je laissais s'installer un silence (que j'espérais non-coupé), mangeant un biscuit, avant de reprendre le fil de mes paroles._La Brigade Prestige a pour but d'assurer une paix équilibrée. Nous nous voulons comme une superpuissance régulant les autres superpuissances afin d'éviter les conflits meurtriers et inutiles. Pour cela... Nous utilisons la violence elle-même. Afin de montrer son horreur. Nous régulons les forces armées des autres pays, souvent contre leur gré, je vous l'avoue, mais toujours avant que lesdites armées ne passent à l'attaque contre d'autres forces militaires.

Cela me semblait précis et concis, je voyais là une présentation rondement bien menée de la Brigade. Je m'apprêtais à boire une gorgée de thé quand une dernière phrase me vint à l'esprit._Nous sommes le bras armée de la Paix... La grenade et la Colombe. Buvant une gorgée de la boisson, je la fixais droit dans les yeux. _Nous apprécierions à sa juste valeur votre... Soutien. J'ai été envoyé ici pour vous demander humblement de joindre nos rangs. Je doute bien que cela puis vous sembler sans doute stupide, ou improbable. Nous sommes paradoxales. Nous prêchons la violence au nom de la paix, pour un équilibre précaire. Mais il est pourtant temps de chapôter la Terre d'une force dirigeante afin que la planète arrête de se déchirer elle-même. Vaut mieux une dictature éclairée qu'une obscure démocratie.
Afin d'appuyer mon discours, je la regardais profondément dans ses yeux bleus, par dessus la monture de mes lunettes. Si elle joignait la Brigade, nous serions assuré de pouvoir établir notre pouvoir sur le monde, et d'assurer la paix. Je doutais de son choix. Nous nous étions dêpéchés de la localiser afin de lui faire cette proposition avant une autre superpuissance. Ainsi, nous n'avions malheureusement pu réunir des informations de base sur cette femme, quite peut-être à lui faire une offre totalement contraire à ses propres idées. Il était question de vitesse ; et même si l'offre était refusée, Lord Hazama espérait pouvoir ainsi s'approprier la sympathie, peut-être pas pour nous en faire une amie mais au moins éviter d'en faire une ennemie.

Un sourcil se leva subrepticement ; le jeune homme avait l’air d’avoir abusé d’une drogue particulièrement dévastatrice pour le cerveau puisqu’il prenait maintenant son interlocuteur et elle-même pour un vieux couple décrépi. Gardant le Sir sans son champ de vision, elle se leva et, s’allongeant presque sur la table, approcha son visage de celui dont la vue faisait défaut. Parfaitement conscience que ce n’était pas ses yeux qu’elle mettait le plus en valeur et ce pour les deux hommes qui lui faisaient face, mais qu’importe, il est des fois où une femme sait qu’il faut jouer des atours que la nature lui octroya dans sa grande bonté. Elle passa un doigt sur cette peau fragile, montant de la gorge jusqu’en dessous du menton, tout en plantant ses yeux dans ceux de l’autre. Puis sa main redescendit lentement jusqu'à atteindre un torse musclé, mais elle ne fit pas vraiment d’état là-dessus puisqu’elle n’avait strictement aucun intérêt placé en-dessous de la ceinture… Et encore moins pour les gens qui se montraient peu réceptifs aux explications. Sa main bougea avec assez de force et de rapidité pour le soulever et l’accrocher par son habit aux porte-manteaux présents sur le mur à côté de la chaise qu’il occupait.
Une telle position n’étant pas vraiment un atout de luxe pour une femme de son envergure, elle reprit place en laissant le soin au jeune homme de se débattre avec les crochets qui en avaient fait leur ami. De cette manière il y aurait une petite pause dans le débit d’inepties et elle pourrait se concentrer sur la discussion dont l’homme au haut-de-forme souhaitait lui faire part. Les gestes de son corps, tous calculés au millimètre ne laissèrent voir aucune émotion particulière, mais elle fut troublée pendant un instant lorsqu’il parlât du Cléon et de la Sorcière. C’était donc elle qui avait fourni des informations menant à sa localisation ; elle devrait mettre la main dessus un de ces jours pour lui faire comprendre que les Kunan n’était pas des balises GPS mais des êtres qui avaient au contraire envie d’avoir le moins de contact possible avec tout événement majeur avec l’Histoire. Cette proposition était alléchante, car l’Akuhei qui se tenait devant elle arrivait à se contrôler en présence d’âmes humaines innocentes dans les parages, ce qui démontrait une grande puissance de volonté. Sa force était certainement proportionnelle à se volonté puisque l’expérience de la manieuse lui dictait que la faim était aussi grande que la faiblesse d’un démon. Néanmoins, il existait tellement de démons différents ayant chacun leur personnalité qu’il lui était impossible de savoir avec certitude s’il bluffait sur le contrôle de soi ou s’il était réellement puissant. Avec le recul, peut-être qu’elle n’avait absolument rien à craindre et qu’il venait vraiment seulement pour négocier une alliance.

Sachez tout d’abord qu’une possible alliance n’aurait pas effet avec seulement moi, très cher. Les Kunan sont sous ma juridiction et donc l’approche d’une seule d’entre elle restera l’affaire de toutes. Elle porta la tasse à ses lèvres et fit tremper ses lèvres tout en aspirant le liquide aux vertus si relaxantes. Il lui semblait qu’un nuage se formait sous son corps, capable de lui retirer toute pression tel un massage parfaitement effectué sur toutes les parties de son corps à la fois. Je vais donc parler au nom de toutes mes sœurs et non au nom de ma propre personne, comme je l’ai trop fait auparavant : je refuse votre proposition.

Consciente que ce refus provoquerait sans doute l’animosité de son interlocuteur, ou pas puisqu’il était un gentleman après tout, Siolith crut bon de joindre une explication globale de son refus, quelque chose qui se montrerait assez convaincant pour éviter de transformer tout ceci en carnage général.

Cela aurait pu se produire si vous m’aviez démarché il y a deux ans. J’avais des griefs assez prononcés contre le genre humain pour adhérer à votre cause et j’avoue que si j’avais bénéficié de votre soutien à cette époque, il aurait été bien moins dur de causer ce que vous autres appelez le “Crysis“. Mais maintenant que j’ai passé plus d’une année qui m’en ont paru des centaines à errer à l’état d’éther dans ma propre Chambre de l’âme, mes prérogatives ont changé. J’ai désormais la charge de mon clan et plus seulement de ma personne et je pense que peu auraient donné leur accord à une alliance autant tournée vers le contrôle de la race humaine.
J’estime que mon devoir et de relater et non d’agir directement, même si un coup de pouce n’est parfois pas négligeable. Cela est contraire à mes lois et je m’y tiens. Si votre objectif est de réguler, soit, les hommes ont le libre arbitre de s’entretuer avec ou sans votre aide mais sachez que plus l’animal est muselé, plus il sera fort une fois détaché.

Siolith revoyait encore toutes les catastrophes qu’avaient engendrées les humains alors qu’ils avaient été acculés ou mis à l’épreuve : l’extrémisme, les morts, la bombe atomique… Toutes ces choses qui avaient été créées alors que ces Hommes se disaient menacés et réprimés. Répandre la mort au nom de la paix, au nom d’un monde meilleur et d’une race parfaite, elle l’avait vécu et vu les massacres qui avaient été commis au nom de la protection de l’espèce humaine. Jamais elle ne participerait à de tels bains de sang.

Néanmoins, je ne m’oppose pas à vous car vous faites partie de la roue du Monde et donc si elle doit tourner dans ce sens, je n’irai pas contre. Je souhaiterai simplement rencontrer votre leader si c’est possible.

Mettant fin à son tour de parole, elle se saisit de la carafe afin de proposer une tournée supplémentaire.

Chacun avait le droit de monter sur ses grands chevaux lorsqu’il le souhaitait, mais ce jeune homme en leur présence avait apparemment sauté l’étape du circuit de refroidissement. Il leur avait servi un discours tout aussi enflammé que lui-même sur le monde et le fait qu’il en serait l’empereur ou du moins quelque chose dans ce genre. Siolith n’esquissa même pas un mouvement de sourcil tant cette déclaration était utopique. Etre l’empereur du monde revenait à remplacer par un seul homme ce qu’un groupe d’hommes et de femmes tentait d’appliquer à une échelle moindre. Mais ce même groupe n’avait certainement pas la prétention de régner sur le monde si elle l’avait bien compris, mais ils se donnaient le rôle de « gendarmes » du monde. Plus une force de dissuasion que de destruction massive, et contrairement à ce qu’elle avait fait, cette brigade Prestige se contentait de faire taire les puissances qui élevaient la voix un peu trop haut en prétendant avoir la plus grosse.
Pour vivre heureux, il fallait vivre caché, mais il est très peu répandu comme savoir que celui de la sagesse. Zénix Flame, car tel était son nom, appuya sa tirade d’un coup de poing sur la table, qui fit tressauter les couverts et renversa sa tasse, le liquide s’étalant comme un tsunami sur les plages du Japon. Siolith regarda son thé faire la distance qui le séparait du rebord de la table pour ensuite passer par-dessus bord, gouttant sur sa robe bleue et blanche. Quel gâchis, un si bon breuvage qui finissait par injurier sa belle robe, c’était aussi révoltant que le discours qu’il venait de tenir et la Kunan joignit les mains devant elle, ne laissant dépasser que les index posés sur sa bouche en guise de réflexion ou d’indignation, elle ne le savait pas elle-même.

“Zénix, si tu réfléchissais ne serait-ce qu’un instant à ce que tu viens de dire, alors tu te rendrais compte que ton seul égo est bien pire que le groupe de gens auquel appartient notre cher ami ici présent. Tu t’auto-proclame l’empereur d’un monde qui vient à peine de prononcer ses premiers balbutiements, un être sur lequel serait centré tous les pouvoirs et qui aurait tous les droits en ce monde sans concession ? Tu es bien plus pitoyable que n’importe quel criminel en quête de pouvoir. “

Siolith se leva, saisissant par la chaîne la montre à gousset qui était dans sa poche. Il y eut en bref éclair et sa forme changea pour adopter celle de l’Index. Une marque remonta le long du cou de la meister, celle des Cercles d’Onyx qui signifiait la toute-puissance de son pouvoir, une protection aussi solide que l’acier à même la peau. Les aiguilles ornant l’extrémité de l’Index s’arrêtèrent brutalement en même temps, désignant Zénix. La tension qui régnait devenait palpable et l’électricité statique fit vaciller les lumières qui les entourait. Le bâton s’arrêta devant le torse nu de Zénix.

“Sais-tu seulement ce qui est arrivé aux dernières personnes qui ont commis l’erreur de vouloir construire un monde meilleur seules ? J’ai eu le déshonneur de converser et de libérer leurs âmes dans le Flux, mais je vais te donner le nom des plus connus. Staline, Hitler, Mao.
Ils ont tous voulu construire un monde parfait. Seuls. Et la seule chose qui les a attendu au bout, c’est une mort prématurée et violente en ne laissant derrière eux qu’une leçon d’inhumanité.“

Son ton était implacable, mais sa voix mourut sur les derniers mots qu’elle prononçait. Elle en avait fait l’amère expérience ; donnant sa vie et sacrifiant ses principes afin de montrer au monde les pires atrocités afin qu’il ne perpétue pas un cycle de destruction sans fin. Si Zénix désirait si ardemment faire renaître le monde, alors il allait devoir se contenter de participer au jeu déjà en place, faute de quoi, Siolith serait la dernière personne que son âme croiserait.
Les lumières s’éteignirent brutalement pour se rallumer aussi vite. Siolith avait reprit sa place assise, sa tasse reposant dans sa coupelle droite et fièrement remplie du liquide chaud et apaisant. La table était propre et sa robe également, comme elle avait eut le temps de réparer l’électricité, passer au pressing et nettoyer la table pendant le court laps de temps au cours duquel la lumière avait quitté les lieux. Mais Siolith était pleine de ressources, et il ne fallait surtout jamais lui demander par quel tour de magie elle sortait des objets des replis de sa robe. Reprenant la tasse pour la porter à ses lèvres, elle s’exprima sur le même ton neutre avec lequel elle avait débuté la conversation.

“Ce serait avec grand plaisir que je saisit l’occasion de rencontrer cet Hazama, Sir Henry “