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 [MISSION] Votre toute première âme (Brocéliande, Bretagne, France)

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MessageSujet: [MISSION] Votre toute première âme (Brocéliande, Bretagne, France) [MISSION] Votre toute première âme (Brocéliande, Bretagne, France) EmptyJeu 13 Mai - 16:27

(Comme d'habitude, les titres contiennent des musiques...)

Tout est bien qui commence bien...


Un coq chanta. J’ouvrais mes yeux doucement, clignant plusieurs fois des yeux à cause du soleil éclairant mon visage à travers la fenêtre. J’avais oublié de fermer les volets. Mais au moins étais-je réveillé à présent, en plus d’être bien reposé. Aujourd’hui était un jour assez important, car en effet cela faisait deux semaines depuis ma dernière mission, l’affaire du cirque où ma blessure aux côtes s’était aggravée. J’avais dû rester deux jours à l’infirmerie de Shibusen pour y être soigné de manière plutôt efficace. Ce genre de blessure mettait normalement longtemps à guérir, mais les remèdes dont disposait l’école devaient être plus que performants, car l’infirmière m’avait assuré que je pourrai reprendre des missions "peu dangereuses" de grade D sous quinze jours. J’avais appris pendant mon séjour en tant que patient que j’étais déjà apte à prendre des missions d’ordre supérieur, mais peut-être ne fallait-il effectivement pas en faire trop. Il était vrai que j’aurais pu perdre la vie la dernière fois. Comme l’avant-dernière fois. Il fallait avouer que l’on apprenait vite à vivre avec un danger omniprésent dans cette école. Pendant les derniers cours auxquels j’avais assisté, les leçons avaient notamment parlé des Kishins et de ceux qui aspiraient à rejoindre leurs rangs. C’est cela que j’avais combattu la dernière fois, et il viendrait bien d’autres occasions d’en affronter pendant mon entraînement. Après tout, c’étaient les principales créatures que voulait éradiquer Shibusen, et il paraissait que le commerce d’âmes pures était chose courante chez les sorcières. Un jour peut-être aurais-je la possibilité d’enquêter sur des échanges d’âmes entre Kishins et sorcières, et alors je trouverais celle que je cherche. Celle qui avait transformé ma mère en démon. Cette pensée me hantait depuis que j’avais revu mes parents pour la dernière fois, un revoir assez funeste. La sorcière ne devait pas se priver de commercer les âmes ; c’est, je l’espérais, ce qui un jour me mènerait à elle. Mais pour le moment, il fallait profiter de la journée, qui ne pouvait que bien commencer : j'allais enfin reprendre les missions.

M’habillant rapidement, j’emportais mes cigarettes, mon scalpel et mon carnet. Qui sait, peut-être aurais-je la chance de tomber sur un affrontement contre un pré-démon aujourd’hui, même si j’étais restreint à mon niveau habituel de missions. Je ne devais pas rater une occasion d’augmenter un peu mes capacités. Me dirigeant vers l’école, je remarquais que le soleil se gaussait là-haut en solitaire, illuminant un ciel dépourvu de nuages. Au moins la clémence du climat palliait-elle à l’omniprésence des rires lourds et interminables de l’astre solaire. Je saluai ironiquement quelques minus dans les couloirs à qui je réussis à pourrir leur début de journée, et remarquai au détour d’un croisement une élève qui relevait un peu le niveau de la moyenne au niveau physique et vestimentaire. Je lui décochai un clin d’œil avant de m’arrêter et tourner calmement la tête vers le tableau qui m’était maintenant familier, excepté pour les plaquettes aux énoncés en constant changement. Je saisis un premier intitulé : mission de filatures de viticulteurs bérrich-… La mission du pingouin… J’eus alors un élan de compassion envers cet élève anonyme qui, sans moi peut-être, quelques minutes plus tard, si ce n’était quelques heures, aurait pris cette mission en espérant avoir pioché le gros lot pour finalement se retrouver à devoir affronter n’importe quel inconnu, forcé à se battre par ce canard de l’antarctique au cerveau congelé. J’allais mettre discrètement la plaquette dans ma poche…puis finalement la remettait à son crochet. J’avais rencontré un type sympa là-bas. Peut-être qu’un autre élève aura aussi cette occasion… mais qu’est-ce que je raconte moi ! Je ne vais pas laisser cette mission par générosité, de toute façon je ne peux pas la voler, et ce sera bien fait pour le mioche qui la prendra. Je deviens gentil ou quoi, qu’est-ce qui ne va pas avec moi ? C’est cette école qui pourrit ton jugement Kenyo ! Tu traînes trop parmi les gosses ! Il fallait que je m’oxygène un peu, deux semaines d’inactivité dans ce bâtiment meublé de microbes et je pétais déjà les plombs… Recadrant mon attention sur les missions, je passais sur quelques quêtes pour nabots que je laissais aux bons soins des minus qui s'y adonneraient, pour finalement…Bon sang, il n’y a que des tâches pour gosse en ce moment ? Je me retenais de lorgner le tableau des missions de type C et saisis finalement "Votre toute première âme". J’en avais déjà une mais soit. Il s’agissait de poursuivre et exterminer un pré-kishin connu sous le nom de Belette Bleue… ça n’avait aucun intérêt, sinon de posséder une âme de plus de manière assez facile…toutefois le mot katar attira mon attention. Un rapide raisonnement fit son chemin dans mon esprit. Ses armes seraient à moi si je maîtrisais cette belette, et même si mon scalpel m’avait été bien pratique, j’avais assez vite remarqué que ce n’était pas une arme convenable pour combattre les démons. Or malgré le fait que je sois adulte, je devais toujours suivre des cours et n’avais pas vraiment eu le temps ni l’occasion de prendre un emploi où que ce soit, je n’avais donc rien pour m’acheter de quoi me défendre de façon optimale en combat. Durant ma dernière mission notamment, des katars m’auraient grandement facilité la tâche. Au moins cette escapade aurait-elle un côté pratique : je serais fourni en armes pour peu d’efforts. La réservant à mon nom, je redéposai la plaquette, et me dirigeait rapidement hors de l’enceinte de l’école. Aujourd’hui, mon avion traverserait la mer pour me mener en Europe, près d’un endroit non dénué d’intérêt : la forêt de Brocéliande.


Un alcool troublé sous une faible mousse de tranquilité...


Petit détail gênant que je remarquai dès mon arrivée : il pleuvait. J’avais oublié ce temps si commun aux pays d’Europe occidentale que l’on ne rencontre que rarement dans les environs de Shibusen. Au moins n’était-ce pas comme lors de mon enquête au cirque, car les nuages gris perle parcourant le firmament comme les lézardes d’un mur d’azur ne déversaient qu’un léger crachin sur la légendaire forêt. Mon enquête commencerait au village de Schlagvuik, où les premières attaques du pré-démon avaient été menées. Ce petit village de Naheulbeuk du Morbihan, situé en bordure de la forêt, devait posséder une atmosphère plutôt paisible, à en juger par les quelques passants pleins de bonhommie que je croisais, qui me saluaient cependant qu’ils ne me connaissaient pas. Les larges rues du hameau étaient bordées de part et d’autre de petits murets de pierre séparant les enceintes des maisons des trottoirs. Je regardai ma montre alors que je passais devant une chapelle semblant faite d’une même pierre que les maisons alentours. Dix-sept heures quarante huit. Il était encore un peu tôt pour espérer interroger des gens dans un bistrot qui devait être aussi peuplé qu’une épave de vaisseau breton. Je me décidai donc à arrêter quelques passants chemin faisant, leur posant quelques questions. On comprit très vite que j’étais l’aide que ces villageois attendaient si ardemment. J’appris alors que plusieurs villages avaient été victimes de la sauvagerie du monstre, ou des monstres. En effet, plusieurs thèses semblaient se quereller dans ce patelin où les ragots allaient semblait-il bon train. Je ne pus en apprendre plus dans la rue car on m’invita de manière assez gaillarde, malgré mon humeur qui encore une fois n’était pas vraiment au rendez-vous, à discuter de cette affaire au bar le plus proche, en vérité celui qui se tenait juste derrière l’église.

"Bah, vous savez, les gens d’ici sont bien croyant, m’avait dit un homme à la barbe fournie et à l’accent profond. Beaucoup vont à l’église pour écouter l’office de dix-huit heures, et puis c’est que ça a aussi un côté pratique, le bar étant juste derrière la chapelle, le prêtre a plus qu’à convier le diocèse pour aller prendre un p’tit verre à la fin de son sermon, comme ça on enchaîne. Des gens croiraient que c’est mal, mais nous on pense que la boisson, c’est ce qui fait vivre ; et vu qu’après tout notre curé c’est bien l’un d’ceux qu’à les plus grandes descentes…"

J’avais eu la chance de tomber sur cet homme qui m’avait offert la meilleure possibilité : passé les coups de dix-neuf heures, le café-bistrot dans lequel je me trouvais fut rempli de gaillards à l’allure certes moins campagnarde que mon compagnon, mais possédant presque tous un accent à couper au couteau. J’avais bien fait de me retenir de consommer de l’alcool, attendant que le bar se remplisse, car à peine la soirée avait-elle commencé que déjà les moins robustes titubaient sous le volume d’eau-de-vie ingurgité. Immédiatement identifié par tous les gars et –à ma surprise- les femmes qui venaient s’abreuver comme une Arme de Shibusen, je fus chaleureusement et accueilli, et je dus refuser bon nombre de verres qui, si j’en avais bu ne serait-ce que la moitié, m’auraient sûrement envoyé dans le coma. Les habitants semblaient de plus insister eux-mêmes pour que j’interroge le plus grand nombre de gens afin de régler sur-le-champ ce désastre qui terrorisait les villageois de Schlagvuik, qui venaient de plus en plus se rassembler dans les bars après l’office du soir. Il avait été pensé, d’un commun accord entre les autochtones, que la bête n’irait pas s’aventurer dans les endroits peuplés. D’aussi loin qu’ils paraissaient joyeux et enthousiastes, ces personnes ne se regroupaient en masse que pour défier la peur qui leur tenaillait le ventre. Ce jour-là, il avait bien sûr été question pendant la prière des victimes de ce monstre qu’on appelait la Belette Bleue. Peu avaient survécu à sa rencontre, cependant l’un des plus balèzes qui avait croisé le regard de "la bête" me fit part de son témoignage :


Sombres contes au crépuscule


"J’ai vu ses yeux, luisant de famine, reflétant les deux katars aux lames acérées qu’il pointait sur moi. Je suis menuisier, jeune homme, et je rentrais de l’atelier jusqu’à chez moi avec mes outils lorsqu’il m’est tombé dessus, alors que je traversais la partie de la forêt de Brocéliande séparant mon lieu de travail du village. Sans mon merlin et ma scie, je pense que je ne serais plus de ce monde. Ce monstre, cet œuf démoniaque comme vous semblez dire, n’avait pas l’air très doué au combat, mais sa carrure, au moins double de la mienne, c’est pour vous dire, a bien failli prendre le pas sur ma force. J’ai vu ces yeux comme je l’ai dit tout à l’heure. Vous dites que ces démons sont à l’origine des êtres humains ayant accompli quelque pacte maléfique. Je veux bien le croire jeune monsieur, car j’ai vu derrière la folie de son œil une pupille tremblante, un regard d’humain et presque je dirais, un regard puéril."

Certes ce dernier détail importait peu, mais observant la silhouette de l’ouvrier, qui était par je ne sais quel miracle arrivé à passer la porte du pub, je commençais à appréhender l’idée de devoir affronter un pré-kishin de trois mètres de large. J’en appris beaucoup sur les autres villages, qui avaient comme ici subit des évènements effrayants, mais quelques gars qui m’avaient semblé jusqu’à présent joyeux et gorgés de bière tels des éponges, en entendant mon interrogatoire, se taillèrent un chemin pour venir affirmer que ce qui s'était passé dans les autres villages n’avait rien avoir. L’un d’eux était un détective à la retraite et, ayant analysé les différents méfaits ici, à Schlagvuik, et dans les autres patelins, il en avait conclu que différents monstres avaient envahi le Morbihan. Ses amis qui l’entouraient le croyaient, et l’un d’eux, cette fois-ci approuvé par les autres clients du bistrot, prétendit que tous ces malheurs tournaient autour de la forêt de Brocéliande. Ces bois avaient toujours été réputés pour regorger de magie et de mystères, et peu s’enfonçaient dans ses immensités sylvestres seuls, de peur de n’en jamais revenir. A Shlipak aussi bien qu’à Brassleki-des-Chir et Zogzog, il n’y avait eu presque aucun meurtre, mais plutôt une sombre épidémie de suicides, alors que seules des attaques de monstre avaient été perpétrées chez eux. La différence était d’autant plus flagrante que les suicides que l’on pensait déguisés étaient savamment maquillés, contrairement au bain de sang provoqué par la bête avec peu de méthode. Cela avait commencé quatre mois auparavant, une affaire que la police n’avait su résoudre. Souvent on retrouvait des gens pendus, et à leur pied, poussant sous la semence des hommes à l’agonie, des mandragores bien trop vieilles pour avoir poussé naturellement. On a alors pensé aux sorcières, et aux légendes qui peuplent Brocéliande. Des expéditions furent organisées, mais on ne trouvait rien, et le plus étrange était que ces désastres se propageaient de village en village, jusqu’à ce que finalement, vingt jours auparavant, une brume ténébreuse s’abatte sur Schlagvuik. Cette nuit là, le clocher sonna tout seul, les habitants se croyaient dans un film d’horreur projeté dans la réalité, alors que des silhouettes sombres déchiraient le clair de lune sur leurs balais : les sorcières avaient ri ce soir-là, glaçant le sang de tout Schlagvuik. Ce soir-là, deux personnes disparurent du village…

"C’était Timothée, le "petit ami" de ma très jeune fille, et mon épouse Nassara, s’éleva une voix par-delà la foule. Les sorcières n’ont laissé du petit que d’horribles lambeaux de peau, et ont enlevé ma femme pour dieu ne sait quel office démoniaque…"

Tous les villageois se signèrent. Je regardais, perturbé par toute cette histoire, l’homme qui avait parlé. Imberbe, plutôt jeune, il n’avait pas le parler du coin. Sa petite fille se tenait tête baissée à côté de lui, ses couettes brunes tombant sur ses épaules. Elle devait avoir douze ans peut-être…

"Francis, notre nouvel architecte, qui est arrivé il y a environ un mois, après avoir malheureusement perdu son travail. Il n’est pas du pays, mais il est plus que jamais l’un des nôtre, travailleur émérite, et il a souffert autant sinon plus que certains d’entre nous.
-Merci Alfred. Si jamais vous avez besoin de loger quelque part, venez donc chez moi, ma fille et moi serions ravis de vous inviter à dîner.
-Merci bien, monsieur. Je suis vraiment désolé pour votre femme, j’essaierai de ne pas poser trop de questions, et je ne vous prendrai qu’une nuit. Cette histoire doit cesser…"

La fille avait soudainement relevé la tête, le visage triste, et ses petits yeux brillants avaient tressailli en apprenant que je dormirai chez eux. Elle acquiesça lorsque son père lui demandait tendrement si ça ne la dérangeait pas. Ce que personne ne vit, et ce que je faillis ne pas voir non plus, fut une petite mimique qui me mit la puce à l’oreille. Du coin de l’œil, alors que tout le monde retournait à ses ragots, j’avais vu la fillette se mordre les lèvres d’un air anxieux. Peut-être était-ce mon imagination, mais le fait que je ne sois pas si vieux que ça me donnait un vague sentiment de déjà vu face à cette expression. Celle d’un enfant qui réfléchit à un petit plan à échafauder. Ici, cela ne pouvait dire que deux choses. Soit j’étais si repoussant que la fille ne voudrait pas de moi à la maison –ce qui, entre nous, pouvait être écarté de suite-, ou bien alors…elle cherchait à régler un problème gênant. Ma présence. Elle savait ce que son papa chéri ne savait pas. Et la venue d’un enquêteur de Shibusen la rendait nerveuse. Je mis cette pensée de côté et continuai à discuter avec les individus obsédés par cette créature des enfers jusqu’à ce que, assez tard dans la soirée, je parte avec l’architecte et sa fille vers leur foyer.


Des signes qui ne trompent pas


Ils habitaient une grande maison presque neuve, dotée de deux étages. Le père me fit brièvement visiter avant que nous passions à table. En dernier, il me fit visiter la cave qui bordait la cuisine. Étrange cave d’ailleurs qui ne possédait pour tout mobilier qu’une armoire à glace vide au miroir brisé, et une grande table de bois où se tenait, étonnamment bien rangé, le matériel complet du parfait chimiste. Cependant cette cave n’était pas très entretenue, vu la poussière qui y régnait.

"Ma femme travaillait dans la chimie organique, mais la petite boîte dans laquelle elle était embauchée avait fermé peu avant mon licenciement. Ici, elle n’eut rien d’autre à faire que de s’occuper de notre fille, convoquée de temps en temps à Brest pour un contrat vraiment bizarre qu’elle avait réussi à avoir dans son cas désespéré. Il y a peu de débouchés pour la branche dans laquelle elle travaillait, du coup elle passait la plupart de son temps à la maison, à s’amuser à jouer aux chimistes en herbes, faisant toutes sortes d’expériences auxquelles je ne comprenais pas grand-chose. Puis ces démons l’ont enlevé…depuis, j’ai rangé tout son matériel bien en ordre, puis laissé la pièce comme si un jour elle reviendrait rafraîchir la place… C’était il y a trois semaines maintenant…Enfin, allons manger et penser à autre chose, Alice ? A table !"

M’attardant un peu dans la pièce, je fis trois pas pour me retrouver au niveau de la paillasse d’expérimentation. Tout comme le mari, je n’avais jamais rien pigé à la chimie. Passant mon gant sur un cristallisoire d’un air distrait, perdu dans mes pensées à chercher un lien logique entre ces évènements et un moyen de coincer rapidement la Belette Bleue, je me pinçai mentalement et retirai mon doigt du fragile outil de verre avant de frictionner machinalement la poussière entre mon pouce et mon index. Mais le frottement n’émit pas le bruit feutré caractéristique. Je regardais mes doigts : pas de poussière.
Je passai ma main successivement sur chaque outil, prudemment mais fermement. La maigre pellicule de poussière que j’obtenais n’avait rien de comparable au tapis gris qui recouvrait la pièce. La table était comme neuve, non, pas exactement…mon sang se glaça.
Comme récemment utilisée.
Je me tournai vers la porte pour voir si l’on m’observait. Le père ne m’avait pas attendu…Me mentirait-il ? Cela semblait peu probable vu son air tourmenté. Il se passait donc des choses dans cette maison dont son propriétaire même n’avait pas connaissance. Lui non, mais qu’en était-il de sa fille ?


Pendant le repas, alors que nous mangions tous les trois silencieusement, ne posant des temps à autres qu’une question gênée, j’observais discrètement la jeune fille, faisant de sorte qu’elle ne s’inquiète pas de tous mes coups d’œil. Elle aussi m’avait beaucoup observé. Un visage de chérubin, certes, et un petit air triste, dû certainement à l’affreux destin de son petit ami qui la tourmentait encore. Mais surtout ce petit air inexplicablement complexe qui chez un enfant, voulait souvent dire : "Tu ne sauras pas mon secret…". Après le repas, je dis au père qui montait coucher sa fille que je dormirai dans la cuisine qui jouxtait l’entrée afin de monter la garde. Une fois la petite couchée, je dis à l’homme de bien rester sur ses gardes, car j’allais en vérité enquêter là où la bête, que l’on disait avoir trouvé refuge dans une tanière, avait le plus de chances de se trouver : la forêt de Brocéliande.

Les larmes de sang qui coulent de deux lunes rougeoyantes


La balade fut un peu longue mais pas fructueuse, la nuit n’aidant pas à m’y retrouver dans ses bois épais et tout de même inquiétant lorsque l’on s’y promenait seul. J’avais découvert la cachette du monstre, mais après une longue fouille il s’avéra qu’elle était vide. Je marchais depuis un moment, commençant à penser que je tournais en rond lorsqu’une rencontre fortuite précipita la fin de ma promenade nocturne : celle de mon pied et d’une paire de lunettes rondes et larges comme à l’ancienne. Les ramassant, je découvris, au pied d’un arbre, une profonde entaille, faite par quatre griffes. La sève coulait. Le pré-kishin venait de passer par là, laissant tomber ces binocles… et l’inclinaison des griffes partait en direction du village… Des bouts de métal semblant provenir d’une arme du démon, au sol, me guidèrent dans la bonne direction. Je courus de toutes mes forces pour arriver avant qu’il ne soit trop tard.

Guettant les traces de la bête, je me perdis malheureusement dans le village et finis non loin de la maison de Francis. Je devais me dépêcher, utiliser son téléphone pour propager la nouvelle de l’attaque du monstre avant que quelqu’un se fasse tuer ! Rentrant en précipitation, m’arrêtant au pied de l’escalier, je fus soudain pris d’un étrange pressentiment… Quelque chose que je n’avais pas encore éclairci… Je me retournai, faisant face à la porte qui menait à la cave. Je me collai à elle pour écouter. Rien. Je poussai la porte en la soulevant pour la faire grincer le moins possible dans ses gonds. Vide… revérifiant ce que j’avais vu tout à l’heure, je confirmai ma première impression. La table était d’autant plus propre que le reste était poussiéreux. En soufflant légèrement sur le sol, la poussière se retira en masse pour laisser apparaître des traces auparavant dissimulées : des pattes de volatile…puis d’humain, juste devant la table…Et hormis les sorcières, peu de gens pouvaient se métamorphoser…
Interceptant un bruit étouffé, je relevai la tête. Quelque chose approchait de dehors, par la petite ouverture en haut de la pièce, munie de barreaux, qui donnait sur le trottoir de la rue. Rapidement, je me cachais dans l’immense armoire à glace qui aurait pu renfermer une garde robe plus qu’impressionnante. Laissant la porte légèrement entrouverte, je vis s’infiltrer par l’embrasure qui donnait sur l’extérieur un drôle d’oiseau…un paon, qui se laissa tomber dans la pièce puis, pas à pas, se dirigea vers la table…avant de se changer en une grande femme aux longs cheveux blonds torsadés, vêtue d’un chapeau et d’une tunique aux couleurs de l’animal qui avait précédé cette apparition. Une sorcière !

Je m’en doutais. Et j’étais quasiment sûr qu’elle était celle à qui je pensais, soi-disant kidnappée avant que le monstre soit lâché. Nassara. Des sorcières étaient donc derrière tout cela…Mais seul, dans cette position, j’étais fait comme un rat. Si je bougeais ne serait-ce qu’un sourcil en faisant trembler l’armoire, elle me réduirait en charpie. Peu importe ma force, je savais que je n’étais pas encore prêt pour une telle confrontation. Ce fait compromettait hautement ma mission…D’autant plus que, pendant que la sorcière commençait une étrange expérience avec ses instruments, extrayant de sa poche des âmes pures afin de les distiller, une ombre recouvrit la petite ouverture, seule source d’éclairage de la pièce. Se retournant, prononçant avec des accents macabres une incantation, elle attira à elle le monstre immense, le faisant passer au travers du mur ! A présent, immobile dans mon abris de fortune, j’étais en présence d’une sorcière aux pouvoirs impressionnants et d’un pré-démon qui faisait pas loin de la taille de l’armoire à glace ! Ses armes brillaient à ses poings, l’un des katars en partie endommagé, ce qui expliquait les bouts rouillés trouvés dans la forêt. Mais le plus impressionnant était surtout de voir se courber et se soumettre aux caresses de la sorcière la créature qui semblait pouvoir la gober en une bouchée. Alors que la gigantesque belette d’un bleu d’encre ronronnait avec un fracas de tonnerre sous les gestes de sa démoniaque maîtresse, celle-ci s’en retourna à ses expériences en parlant à voix basse :


"Bien, as-tu tué quelqu’un ce soir ?
-Non Madame Harlock…
*Comment ? Cette voix…c’est un gamin ?*
-Pardonnez-moi Madame Harlock, je voulais pas vous désobéir, j’ai essayé mais les gens étaient tous ensemble et ils parlaient d’un monsieur venu exprès pour me tuer ! J’ai eu peur, Madame, pardon, j’ai eu…
-Comment oses-tu, imbécile… Je vais encore être obligé de te nourrir des âmes que j’ai récolté moi-même, voilà maintenant un mois que j’essaie de te rendre plus fort, mais tu fais toujours la mauviette, regarde-toi ! Tu devrais impressionner les gens, terroriser tes proies avant de les déchiqueter, tu ne devrais pas ressentir de peur ! Tu n’es qu’un déchet, à quoi me sers-tu ?
-Pitié madame, ne me tueeeez paaas…"

Comment était-ce possible ? Un pré-démon qui connaissait la peur ? Et cette voix d’enfant par-dessus tout, comment un gosse pouvait-il désirer un jour commencer à dévorer les âmes d’autres personnes ? A moins que…la sorcière.

"Te tuer ? Tu plaisantes, je t’aurais nourri de toutes ces âmes pour ensuite tout gâcher ? Et moi qui croyais que tu voulais devenir fort pour notre petite Alice…"

Bon Dieu. C’était lui, Timothée. Le jeune garçon dont on n’avait retrouvé que des lambeaux de peau…Tout n’avait été qu’une supercherie montée par la sorcière, probablement accompagnée dans ses méfaits de plusieurs de ses sœurs. Elle avait disparu en emportant un cobaye, un individu prêt à tout pour devenir plus fort. Le peu de questions qu’il avait posé tout à l’heure à table avaient suffit à combler le manque de données. Timothée aimait Alice, et réciproquement, seulement ce petit gamin de treize ans aux lunettes en forme de cul-de-bouteille, celles que j'avais retrouvé dans la forêt, était chétif et maltraité par d’autres gamins qui profitaient de sa constitution peu sportive. Alice était alors gênée d’être son "amoureuse". Alors, voyant cette scène au premier plan, la succube avait sauté sur l’occasion…et emporté le gosse dans cette folie de la quête de la puissance, en lui livrant des âmes. Le résultat se trouvait désormais sous mes yeux : cette femme l’avait transformé en monstre…ma mission avait pour but d’éliminer la Belette Bleue. J’allais assassiner un enfant ! Du moins, si j’en avais le temps et l’occasion. Mais étrangement, la peur résidait encore dans ce pré-kishin sûrement déjà gavé d’âmes pures. Des sentiments humains occupaient encore cette enveloppe difforme et corrompue, peut-être était-ce d’ailleurs la raison pour laquelle sa métamorphose passait par un stade esthétique qui donnait physiquement un hybride de démon et d’animal. Tout ça finalement, dû au vice qui avait habité les camarades du petit et tourné son âme vers la faiblesse de la voie des Kishins. Quel désastre. Pour son salut, j’allais devoir le tuer…


(Suite)


L’armoire grinça. Mon sang se glaça alors que la sorcière s’était raidie, d’un seul coup. D’un geste effrayant de rapidité, l’être maléfique tourna la tête vers le meuble immense. Elle fit un pas, lorsque des petits pas résonnèrent juste derrière la porte. D’un air subitement affolé, la servante du Mal ordonna à son jouet de fourrure de se réfugier immédiatement dans l’armoire à glace. Je n’eus pas le temps de prendre ma respiration que l’immense boule de poil bleu marine se rua dans ma cachette pour s’y dissimuler à son tour, m’écrasant contre le mur du fond sans ménagement. Je demeurai en apnée, le corps complètement recouvert par les épaisses touffes du monstre qui n’avait apparemment pas noté ma présence mais qui malgré tout m’étouffait ! C’est alors que j’entendis la voix de la petite Alice :

"Maman…maman !
-Chuuuut…Ton papa ne doit pas nous entendre tu sais, cela serait tellement dommage de gâcher la surprise qu’on lui prépare depuis si longtemps ! Tu as acheté ce que je t’ai demandé au marché ?
-Oui maman, mais je ne veux plus mentir à papa, je me sens honteuse…
-Mais voyons ma petite, il ne faut pas avoir honte puisque c’est pour une surprise pour ton papa ! Il sera tellement content et tellement surpris lorsqu’on lui offrira le cadeau…
-Mais, mais…les gens racontent des choses sur les sorcières…
-Ce ne sont que des bêtises, qui raconte ça, le père Bigrals ? Tu sais bien qu’il radote tout le temps le père Bigrals…"

Leur discussion continuait, la sorcière ayant changé de ton avec sa fille, optant pour le timbre trompeur d’une mère affectueuse, pendant que j’agonisais sous la pression et l’asphyxie, ne pouvant pas bouger le moindre petit doigt sans mettre la petite en danger. Soudain, la voix du père retentit depuis la cuisine :
"Alice, où es-tu ? Tu ne devrais pas dormir à cette heure-ci ? Je ne vais pas être content !...
-Maman, dis à papa de pas me gronder-
-Chuuuut …du calme, caches-toi là dedans je m’occupe de tout.
-…D’accord !
- Mon…Alice…
-*Oh non…*"

Se réfugiant à son tour dans l’armoire, Alice referma la porte alors que les pas de son père s’approchaient ; cette personne supplémentaire dans le même compartiment failli me coûter la vie, le monstre se décalant vers le fond pour laisser une large place à la fillette, et me couper d’autant plus le souffle. J’entendis la femme prononcer tout bas une incantation alors que s’ouvrait sur elle la porte de la cave. Les pas s’arrêtèrent. Puis l’homme repartit vers l’étage supérieur en maugréant :
"Mais où est-elle passée ..."

Pendant ce temps, je sentis la belette géante trembler d’émotion, presque collée à son amour, alors que celle-ci ne se doutait de rien. Puis, lorsque le père remonta de nouveau les escaliers vers les chambres, la sorcière dit doucement :
"Tu peux sortir, Al-
-…HAAAAAAAAAAAAA !!"
Alice surgit du meuble en hurlant, se retournant pour voir l’immense forme monstrueuse aux yeux rougeoyant, derrière lesquels se cachait son ancien amoureux.
"Maman, au secours, il y a un monstre, il va me manger, c’est un monstre !!!
-Un monstre…non…Alice…comment …RUUUUUAAAAAARRRRGH !"
Je respirai un grand coup, happant l’air alors que la belette se jetait sur son aimée pour l’emporter dans ses bras énormes.
"Vous m’avez changé en monstre, et maintenant votre fille me hais ! Vous êtes un monstre !! Je vais vous dévorer…
-N’y compte pas, Timothée !
-Mamaaaaaan !
-Alice, NON !"

Tout se passa si vite que j’eus à peine le temps de me relever en reprenant mon souffle. La belette bleue bouscula violemment la mère de l ‘enfant et s’enfuit en courant vers l’étage. J’entendis Francis hurler d’horreur et être bousculé à son tour par le monstre qui s’évada par la porte d’entrée. Entre fureur et peur, la sorcière qui savait depuis un moment que j’étais là me regarda froidement avant de se transformer en paon à nouveau et de s’évader par l’ouverture de la cave. Je tentai encore de reprendre mon souffle lorsque, montant les marches jusqu’à la cuisine, je fus arrêté par un père aux yeux révulsés de peur.

"Qu’est-ce que c’est, pourquoi a-t-il emporté ma fille, pourquoi VOUS NE L’AVEZ PAS SAUVÉE !
-Calmez-vous ! C’est Timothée…
-Quoi…Non…
-Je n’ai pas de temps à perdre, votre femme est une sorcière et vu comment la situation a tourné, elle pourrait bien blesser Alice !
-Non ! Qu’est-ce que vous racontez, ma femme a été enlevée !
-Courrez prévenir le village au lieu de vous voiler la face, vous pouvez encore m’aider à sauver Alice !
-Ou-Oui !
-Passez moi votre voiture, je dois les rattraper !"

Tuer ou être tué. La lune se régale de sang frais.


Il me lança ses clefs. Je filai à toute vitesse vers la voiture, puis, démarrant, je fonçai vers Brocéliande. C’était ma seule chance d’arriver à temps pour empêcher la folie de Timothée de dévorer la fillette et la peur de sa mère de lui faire faire une erreur en lançant un sort de travers. Alors que le paysage défilait devant moi à vive allure, je réfléchissais à un plan. Avec la voiture, si je ne les interceptais pas, au moins les devancerais-je à la forêt. Il n’y en avait que pour une minute avant d’arriver. Il fallait que je trouve un moyen de tuer la sorcière…cela m’était impossible ! J’enrageais dans mon siège, quand tout à coup, je vis une rayure sombre comme la nuit s’agiter à une vitesse folle dans les champs à ma gauche. Baissant la fenêtre et regardant derrière moi, je vis sur son balai la sorcière qui semblait préparer un sort. Mais les sous-bois couvrirent le monstre et la jeune fille avant qu’elle ait pu accomplir son forfait. Je me reconcentrai sur la route, puis dégageai de la voie goudronnée pour foncer jusqu’aux premiers arbres. Je freinai en grand fracas, puis me précipitai hors de la voiture à la poursuite de l’animal démoniaque qui fonçait vers sa tanière. Heureusement que je connaissais son emplacement. La sorcière devait sûrement aussi la connaître, pensais-je tout en filant à travers les arbres, apercevant un peu plus loin la créature velue que malheureusement, je ne pourrai rattraper à moins qu’elle s’arrête. Tout allait se jouer dans la forêt. Et bien que j’aie averti Francis, les villageois n’arriveraient pas à temps pour m’aider. Courant, courant, je réfléchissais, je me concentrais sur ma cible et comment l’atteindre. Comment sortir la fille de ce mauvais pas, et comment me sortir de là également ? Je n’eus pas le temps d'y répondre, car j’arrivais à la grotte devant laquelle se tenait l’immense chose, qui avait posé sa dulcinée probablement évanouie sur le sol derrière lui. J’avais peu de temps avant que la sorcière n’arrive, si je tuais Timothée, c’était maintenant, car il faudrait ensuite que je nous cache de la mère furieuse. Sinon, je devrais trouver un autre plan. Voyant que je me tenais en position de combat, sortant mon scalpel, il rajusta sa prise sur ses deux katars aux lames acérées, bien que l’un d’eux soit en train de tomber en miettes. J’analysai la situation. Un pré-kishin. Peu de temps. Une obscurité presque totale. Un katar rouillé au bras droit. Une grosse branche morte.

J’avais mon créneau.

Hurlant de concert,nous chargeâmes l'un sur l'autre, moi feignant de me jeter sur la bête alors que cette terrifiante masse me fonçait dessus. Puis, esquissant un pas de côté, je me préparai à porter en une seule fois le coup fatal. L’adversaire était colossal, mais, malheureusement pour lui, ce n’était qu’une âme expérimentée d’enfant.


"Supernova !"

L’effet de mon pouvoir était à double tranchant : il allait complètement brûler la rétine de la bête, mais ferait également une balise lumineuse toute trouvée pour la sorcière, le combat ne devait pas durer. Je saisis en me décalant sur la droite la grosse branche morte et la soulevai alors que le monstre se précipitait dessus, ayant arrêté sa course sous l’effet de l’aveuglement mais propulsé par son élan vers le piège. La force de l’impact le fit trébucher et s’étaler de tout son long là où je me trouvais auparavant, tandis que le tronc encore solide avait accusé le coup, jeté par la force du choc dans la même direction que le monstre, suivi par celui qui avait soulevé la souche : moi.
Je m’étalai à côté du monstre alors que celui poussa un cri de douleur. Son katar gauche, tenu par le bras puissant que je voyais juste devant mes yeux, était rentré profondément dans son corps du fait de son déséquilibre. Les lames s’étaient retournées contre lui. De plus, lorsqu’il armerait ce bras pour me frapper, en se relevant, il n’aurait pas autant d’amplitude de frappe qu’avec son autre bras, et viendrait alors sur moi avec assez peu de force pour que je bloque son coup. Plus vif que lui, je me relevai et invoquai les runes de combat alors qu’il n’était encore qu’à genoux.


"Runic Jeet Kune Do ! Kah !"

Je lézardai son corps de blessures avec mon scalpel, le couvrant de coups avec mes jambes alors qu’il se relevait et tentait de m’atteindre avec son katar; mais le coup était lancé sans force, et je le repoussai assez aisément en le blessant encore et encore. Comme je l’avais prévu, son autre katar était allé se planter et s’éparpiller en plusieurs pièces lors de la chute du pré-kishin. Il n’aurait bientôt plus aucune arme. J’infiltrai sa garde aisément, évitant ses énormes coups lents, mais je ne vis pas partir son poing gauche qui m’envoya contre un tronc d’arbre abattu et oblique soutenu en partie par un autre arbre, m’assommant à moitié. Il tenta de m’achever en me lançant le katar sur la gorge, qui se trouvait au niveau du tronc, mais je faillis bien me tuer en décalant ma tête, car cet as du lancer avait projeté l’arme à un mètre de moi dans le cadavre du chêne. Alors qu’il me fonçait dessus, je tentai de décrocher le katar enfoncé bien plus profondément que l’écorce. Je me retournai une fois, et je savais qu’il était sur moi. Il se redressa de toute sa hauteur en tendant ses deux bras pour m’écraser. L’erreur à ne pas faire. Me concentrant un instant infime, j’agis. Le katar se débloqua.

"MEURS ! TUUUUEER !
-Repose en paix, Timothée Kardenath !"

Je lançai mon poignard dans son ventre, ce qui me laissa une délai de deux secondes dans l’attaque, suffisamment de temps pour me permettre un assaut final. Je m’élançai en criant, puis me changeai en épée en lançant le katar vers le monstre, puis prenant appui sur le tronc comme un nageur se propulsant pour fendre l’eau ; je fendis l’air en un looping et sectionnai les deux bras joints du monstre en me rapprochant de son ventre, lui arrachant un hurlement, puis me retransformai, saisissant le katar au vol et l’ouvrant de haut en bas en atterrissant lourdement. Le monstre explosa en volutes sombres qui se propagèrent dans les airs en laissant seule l’âme rouge de l’œuf du Grand Dévoreur. Je balançai mon Carnet pour l’aspirer puis courait vers Lydia pour la réveiller et l’emporter le plus loin possible avant que la sorcière n’arrive. La portant dans mes bras, je laissais passer pendant un instant la fatigue causée par la désactivation des runes, avant de courir vers le bord de la forêt.

Mais la cruelle sorcière, douée de pouvoirs d’illusions, était déjà arrivée sans que je le sache, et me faisait courir à toute vitesse vers les profondeurs des bois…


La mort aux trousses, la vie devant soi


Courant à perdre haleine, j’entendis au bout d’un moment les rires de Nassara, carnassiers, ironiques et froids, se rapprochant par tous les côtés de manière terrifiante. Portant le môme qui hallucinait autant que moi dans mes bras, je commençai à perdre les pédales, pris au piège par cette sorcière qui jouait avec moi comme un chat torturant sa souris. Je me rendis alors compte que plus j’avançais, plus je me perdais, et plus l’énergie de mon corps était sapée par ce sortilège puissant. Il fallu que la sorcière ne connaisse cependant pas très bien la forêt, car alors que je sentais le couperet proche de tomber, l’illusion éclata comme une explosion de débris de verres. Mes yeux se posèrent alors sur ce qui semblait être l’entrée d’une clairière menant à un lac embaumé de lumière, un cercle sylvestre qui scintillait comme en plein jour. Pourtant, regardant sottement ma montre, je vis qu’il était plus de une heure du matin. La petite que je portais depuis un moment sur mon dos était elle aussi enchantée par cette vue sublime et presque féérique. L’instinct me poussait à m’y précipiter comme dans un refuge, et dans un dernier effort, je nous tractai vers elle alors que la sorcière hurlait un sortilège, invoquant soudainement de multiples lianes hérissées de piquants qui foncèrent droit sur nous, fendait l’air pour nous transpercer…mais juste avant que l’attaque nous heurte, les lianes furent stoppées et anéanties par une vague de cristal qui avait surgi de la mare. Me tournant vers l’étendue d’eau, je vis une immense silhouette se former et grandir, formant les courbes d’une jeune femme sur un piédestal surplombant les arbres, auréolée de lumière, nous souriant alors que la sorcière assistait au spectacle d’un œil terrifié.

"Vivianne l’enchanteresse…
-Vivianne…la Vivianne de Brocéliande..."

Soudain, sans crier gare, la magicienne fit jaillir un immense bras de la mare qui agrippa la sorcière d’un seul coup, l’étouffant presque, et l’amenant devant la reine des bois de Brocéliande.
"Créature démoniaque…prie pour que ton âme puisse être enfin sauvée !
-Non !!
-Mamaaaaan !"
La servante diabolique fut violemment engloutie par une gueule monstrueuse sortant de l’eau pour la gober en une seconde sous nos yeux pétrifiés. Puis, alors que la petite gémissait d’effroi et de crainte, appelant sa mère, tentant de se débattre pour aller la chercher, l’eau du lac se mit à bouillonner, à s’agiter et à tourbillonner, avant d’exploser en une vingtaine de geysers alors que s’élevait depuis le lit déchaîné des eaux jusqu'au bord du lac, la mère d'Alice.

"Cette sorcière n’est plus à présent, mais la mère est toujours en vie. Durandal, je te connais, comme presque tout élément sur cette terre. Porte la femme au village, dis que tu l’as exorcisé, mais ne dis rien à propos d'Alice. Fille de sorcière, elle a hérité du même pouvoir et doit donc être surveillée par Shibusen…je pense que ce n’était pas la seule sorcière à sévir dans les environs, sa famille est donc à présent en danger, il faut que tu mettes en garde le village. Les sorcières peuvent sceller mes pouvoirs, mais le fait d’avoir éliminer l’une d’entre elle va me permettre de protéger à nouveau le Morbihan. Cependant je devrais me reposer pendant quelques années, car mes pouvoirs ne sont pas de la même nature que ceux que tu connais, et je ne suis encore qu'une jeune fée... Va prévenir le Shinigami de toute cette affaire, dis-lui que les choses s'agitent en Europe, et ne parle pas de moi au villageois. A bientôt jeune Arme…
-Attendez !..."

Ainsi était apparue et avait disparue Vivianne, me sauvant la vie et exécutant ce que je croyais être impossible : elle avait sauvé l’âme d’une sorcière. Mais je n’eus le temps de m’éterniser sur cette pensée, car Nassara était nue comme un ver et grelotait de froid. Alors que je lui donnais mon manteau, les hommes débarquèrent de partout, armés jusqu’aux dents, prêts à tirer sur la mère d'Alice. Je les prévins à temps, et, au fur et à mesure de mon explication, réussis à inventer une histoire plausible. Après tout, les faits de Shibusen sortaient déjà du champ de connaissance des habitants de ce village, ils n’auraient eu aucune raison de ne pas me croire…

Le lendemain, je repartis, en ayant mis en garde les gens de Schlagvuik, je repartis en voiture, Francis ayant accepté de me conduire jusqu’au train. J’avais à présent une magnifique arme ouvragée en poche et une âme de plus à mon actif ! Sur la vitre avant de la voiture, je traçais le numéro de Shinigami-sama :

"42-42-456…Shinigami-sama ? Belette Bleue neutralisée…mais il faudra sûrement repasser un coup…"
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[MISSION] Votre toute première âme (Brocéliande, Bretagne, France)

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