...Tu as eut ce que tu voulais...

Le vent était glacial, sinistre. Les ruines de la tour blanche brillaient sous la sphère d’énergie, la lumière écarlate de la masse de magie gelée dans le temps réfléchissant sur l’ivoire, le sang, les os... Un fin bruissement était audible, celui d’un courant d’air sur des plumes. L’ange était assis sur le plus haut des débris, ses ailes amochées, ses vêtements blancs déchirés et tachés de terre, de poussière et du sang de son adversaire, des plaies brillantes parsemant ses membres et son corps. Il avait l’air du seul survivant d’une bataille atroce et c’était plus ou moins le cas. Il n’avait pas perdu et il n’avait pas gagné. La plupart des Dieux jouent aux dés, mais le Destin joue aux échecs, et ce n’est qu’au dernier moment que vous vous apercevez qu’il joue avec deux Reines. Ce qu’il avait prit pour acquis s’était retourné contre lui et il était maintenant le seul humanoïde restant sur la planète. Il était techniquement le maître du monde. Il a eut ce qu’il voulait. Mais un royaume sans sujets n’est rien. Toutes les circonstances étaient en place pour faire de lui l’homme le plus malheureux de l’histoire, celui qui a tout gagné et tout perdu en même temps, le Dieu d’un monde vide, mais son regard était perçant, déterminé, fixé sur l’horizon. Il trouverait le moyen de rouvrir la faille et recommencerait tout à zéro.

... mais tu as besoin de moi...

Il y eut le sifflement d’une lame dans l’air et un strident son métallique. L’objet qui bloquait la lame restait dissimulé dans les ombres de la cape de l’inconnu qui ne faisait pas partie du panorama avant de le son ne brise le silence comme un miroir vole en éclats. L’épée fut repoussée avec un simple mouvement de la manche de la silhouette ce qui fit passer un flash de surprise sur le visage du maître du monde.

« C’est impossible. Je suis plus puissant que tu ne l’as jamais été. »

Le calme de sa voix avait un tranchant qui aurait pu couper du diamant. Une seconde frappe heurta l’air. L’inconnu étant à nouveau derrière l’ange qui bondit pour mettre une distance sécuritaire entre l’encapuchonné et lui.

« Comment as-tu survécu à Charon ? »

... Je l’ai soumis à moi...

Ce n’était pas de la surprise qui fut visible sur le visage de Stiks cette fois mais bien de la terreur. Il avait vu l’Avalon de Charon, lui-même n’y aurait pas survécu. Comment avait-il réussit à forcer une âme d’une telle puissance à se soumettre ?

... et ce n’est pas tout, j’ai aussi lu le grimoire de l’Archonte...

Le Dictateur fit un pas vers l’arrière dans son mélange de fureur et de peur. Le grimoire perdu des sorcières. Celui qui contient les secrets de la magie dimensionnelle. Le simple fait d’ouvrir le grimoire des Doyennes demande une force magique phénoménale, même les Doyennes elles-mêmes n’arrivent pas a l’ouvrir, les sorts y ayant été mis contenant une telle puissance que le livre lui-même a développé une conscience magique et qui empêche quiconque de l’ouvrir en se protégeant derrière une multitude de sorts de protection. Il n’était pas impossible que l’inconnu bluffe... mais sa manière de se déplacer démontre que ce n’est pas lui qui se déplace mais bien la réalité autour de lui. Et sa voix qui n’est pas exactement une voix mais plutôt un écho dans la tête de l’ange...

« Dans ce cas, pourquoi es-tu ici ? »

...

Le silence fit réaliser quelque chose à Stiks qui en sourit. Un sourire malsain, remplit de folie. La folie de se retrouver devant une chose si imposante mais si minuscule.

 « Ah, je vois, tu es immatériel. Tu es à la fois dans cette réalité et dans celle de Charon. C’est donc toi qui a besoin de moi et non le contraire ! »

Le rire qui résonna dans la tête de l’ange le figea sur place. Il était si sinistre. Stiks avait vu et fait des atrocités innommables et ce rire lui aurait glacé le sang s’il en avait et dans la seconde qui avait paralysé le maître du monde, une main noire et transparente, qui semblait solide et gazeuse à la fois, qui semblait bouger en restant complètement immobile, agrippa la gorge de l’ange aux ailes noires et le souleva du sol.

... la seule raison pour laquelle je suis ici, c’est pour récupérer les fragments de mon âme...

L’épée tomba au sol et se désagrégea en une poussière bleutés qui s’évapora dans le vent. Les plaies de Stiks cessaient de briller et devenaient écarlates. L’auréole déformée se fracassa sur le sol dans un bruit de verre avant de s’évaporer à son tour. L’ange était devenu simple mortel. Son regard terrorisé fixé sur les ténèbres de la capuche ou un oeil blanc, sans iris ni pupille, et un sinistre sourire étaient apparus.

...et la tienne...

« Non ! Je peux t'être utile ! Je peux... J »

Le corps de Stiks explosa en poussières lumineuses qui se mirent à tourner autour de la silhouette capuchonnée avant de converger vers toutes les parties ouvertes du manteau de l’inconnu.

... plus qu’un...

Il y eut un craquement sourd et une déchirure bleuâtre se forma devant la cape. La déchirure devint un ovale, un ovale dans lequel on pouvait voir un autre monde. La silhouette avança, lentement et rapidement, vacillant tout en restant parfaitement droite... Elle traversa le portail et celui-ci se referma dans un claquement, ne laissant plus une âme dans cet univers...

Le temps reprit son cours et la sphère géante engloutit la Terre...