S'il y avait bien quelque chose dont avait horreur Siolith, c'était les tricheurs, et l'ordre de mission lui inspirait un profond dégoût quant à ce qu'elle devait aller faire, mais ce qui devait être fait ne serait plus à faire. Pourquoi aller dans un patelin paumé en pleine campagne russe, un endroit complètement perdu dans les étendues froides de la Sibérie, pour dépouiller la population d'un village possédant un nom aussi ridicule qu'un personnage de dessin animé pour enfants? Lassocice… Erf… On pouvait toujours dire qu'on ne choisissait pas son nom ni son prénom, mais le nom d'un village, ça se choisissait bon sang! Et qui plus est, cela se modifiait aussi! M'enfin, toujours est-il qu'après un voyage d'un ennui fatal en avion, elle dut prendre le train, ou plus précisément le transsibérien pour rejoindre le point qu'elle avait entouré sur la carte. Quelqu'un d'inexpérimenté l'aurait prit pour une crotte de mouche, mais une minuscule inscription en-dessous indiquait clairement le nom du village: "Lassocice". Elle se jura de d'effacer définitivement cette mission des archives de la Shibusen une fois revenue pour que personne n'ait un jour l'idée de rapprocher son nom à celui d'une ville paumée en pleine Russie Orientale. Le train crissa puis s'arrêta, un seul passager foula le quai: c'était Siolith, une petite valise à la main. La neige tombait serrée et le grand manteau blanc était tout indiqué pour traverser ne serait-ce que les dix mètres qui la séparait du hall de la gare. Poussant la porte en bois –qui émit un grincement- elle s'arrêta sur le seuil en levant les yeux. Une araignée pendouillait paresseusement devant elle, attachée par son fil de soie à un plafond trop bas. Les gens étaient-ils des nains? En tout cas, Siolith pouvait entrer sans se baisser, ce qui la rassura; elle se voyait mal courbée en deux en train de marcher. Le "hall" en question était…ahem… Ne méritait pas le terme de "hall". Une pièce de quarante mètres carrés faisait office de salle d'attente et tout était agencé de façon à ce que ça prenne le moins de place possible. Un chariot tiré par des bêtes très velues vint la chercher comme convenu et elle arriva au village de Las…*SBAF* Hé ho, c'est bon là! J'peux plus raconter mon histoire correctement sans me faire frapper par le personnage principal? Rolala, qu'elle tête de mule… Bon! Qu'est-ce que je disais moi? Ah oui: Elle arriva donc au village de…très petite taille et fut surprise de ne voir aucun signe de vie aux alentours. Les seuls signes qui montraient que le village était habité, c'était les quelques lumières qui pointaient au travers des volets hermétiquement clos. Elle fut déposée au seul endroit où il était possible de passer la nuit en étant quelqu'un de l'extérieur: le bar. C'était un petit bar aux allures miteuses et lorsque Siolith poussa la porte et entra le silence se fit. Les murmures s'élevaient sur son passage, mais disparaissaient instantanément lorsqu'elle tournait la tête vers la source du bruit. Qui était-elle? Quelqu'un de la Shibusen? Ça? Ils auraient pu leur envoyer quelqu'un avec un air plus compétent au lieu de leur envoyer une gamine! Le bar étant petit, toutes les tables étaient occupées et par conséquent, elle dû s'asseoir à l'une d'entre elles. Jetez une boule puante dans un bus et vous n'aurez pas de plus bel effet: la table se vida immédiatement, le gens changeant de place et se répartissant sur les autres tables aux alentours, préférant s'entasser que d'avoir à croiser les yeux de la manieuse. Le propriétaire des lieux arriva d'un pas pressé et lui demanda ce qu'elle voulait. Sans même lever la tête ni regarder la carte, elle parla en anglais, langue internationale qui avait heureusement le don d'être parlée dans le monde entier. Elle commanda le plat du jour et l'homme reparti pour lancer la commande. Du coin de l'œil, elle détecta un mouvement et deux formes humaines sortirent d'une pièce adjacente en poussant le rideau qui servait de protection oculaire. Une femme, d'après sa démarche car son visage était intégralement caché dans l'ombre d'une capuche, et un homme qui devait avoir la trentaine s'approchèrent de la table et s'y assirent. Le jeune homme sortit d'une poche intérieur une pile de cartes et la posa au milieu de la table en frappant le bois avec. Cela souleva un petit nuage de poussière, et lorsqu'il fut retombé, une voix éraillée mais féminine, sortit de la cape.

Bienvenue à toi étrangère. Toute personne foulant du pied ce village doit nous faire l'honneur de jouer avec nous aux cartes. Quel que soit le jeu, mon ami sait y jouer et il est très fort, donc j'espère que tu es à la hauteur…

Merci bien mais tout ce que je désire, c'est manger et….

Un pistolet apparut subitement dans la main du jeune homme, le canon pointé vers la jeune femme. Siolith y comptait bien, car si ces deux personnes n'avaient pas été ses cibles, jamais ils n'auraient autant "insisté". Elle était maintenant convaincue que c'était d'eux deux dont parlait l'ordre de mission. Son visage ne trahit aucune émotion, et même si il avait dû en montrer une, cela aurai été celui de la moquerie, car les munitions réelles ne valaient à ce jour plus rien contre les gens de la Shibusen. Elle bloquerait ces misérables projectiles avec un cercle et le tour serait joué, puis elle casserait la gueule, leur démonterait la mâchoire après leur avoir forcé à lui dire ce qu'ils avaient fait des gens qui avaient disparu. Tout un programme on ne peut plus intéressant qu'elle choisit de ne pas mettre à exécution, car d'une part il y avait pas mal de monde aux alentours et que même si elle ne craignait pas les balles tant que ça, un tir perdu entraînerait des dommages collatéraux pouvant nuire au bon déroulement de la mission. D'une autre part elle avait envie de voir comment ils s'y prenaient à deux pour extorquer tout ces pauvres gens. Les cartes battues, le gars les distribua après que Siolith aie choisit de jouer au poker. Que mettre? Facile: la Shibusen avait disposé des fonds confisqués lors d'enquêtes précédentes et Siolith se baladait avec une somme rondelette convertie dans le monnaie du pays. Les yeux de son adversaire masculin brillèrent lorsqu'elle sortit une liasse de billet en entrouvrant sa valise; et elle avait encore tout le reste de la famille qui attendait poliment au fond de son bagage, qu'elle referma soigneusement. Elle vit dans son regard qu'il paraissait prêt à ressortir son flingue pour la descendre et lui tirer tout le blé qu'elle pour aller se faire dorer les miches aux Bahamas, mais la main de sa voisine se posa sur son bras et il parut se ressaisir. Sage décision, car pendant un instant, la main de Siolith était restée sous la table, grésillant et prête à agir. Le jeu n'était pas son fort, et Siolith perdit progressivement chaque partie qu'elle jouait sans que cela lui importe de près ou de loin; c'était pas son argent après tout! Elle observait discrètement mais attentivement les gestes et le regards des deux autres joueurs en face d'elle. Ils étaient disposés en triangle autour de la table, bien que chacun pouvait voir l'autre en face. Le gars tentait visiblement d'attirer l'attention en jouant gros tandis que sa partenaire raflait les mises. Un duo gagnant, pour tout dire, puisque c'était du deux contre un. Néanmoins, et même si elle était une lamentable joueuse, Siolith avait compris qu'ils utilisaient une sorte de langage codé pour communiquer entre eux. Un petit doigt qui tressaute, gratter une carte nerveusement, à chaque fois qu'ils faisaient un gros coup, elle voyait les doigts du jeune homme s'animer, tandis que sa partenaire pouvait à tout loisir regarder ce qu'elle voulait puisqu'elle avait le visage caché. Elle n'avait pas très bien compris ce que représentaient les cartes, mais elle savait quelles étaient les meilleures combinaisons et elle bénit sa stoïcité légendaire lorsque elle vit qu'elle avait une quinte flush royale de la même couleur, le genre de truc qui arrive généralement tellement rarement dans une vie qu'il fallait limité un huissier pour constater un tel exploit. En face, les doigts remuèrent, et les gains commencèrent à s'empiler dangereusement haut. Sûrs de leur coup, les deux larrons remisaient en surenchérissant à chaque fois, sûrs de plumer définitivement leur adversaire. De son côté, Siolith restait de marbre et répondait simplement aux mises des deux autres; leur laissant le plaisir de lever l'enchère l'un sur l'autre.
Lorsqu'ils dévoilèrent tous leurs cartes, la femme laissa échapper un cri de surprise, tandis que le gars devenait aussi blanc que la chevelure de la manieuse (imagé bien sûr…RIEN ne peut être aussi blanc que ses cheveux xd). Ils avaient perdu, alors qu'ils avaient tout misé, et même plus. C'est ainsi que Siolith rendit leur liberté à tout un village perdu au fond de la Sibérie. Se levant de la table et se préparant à partir, elle eut la mauvaise surprise de voir le flingue du gars braqué sur elle. Dans un soupir, elle ferma les yeux, comme si elle se résignait et d'un coup de talon, envoya brusquement la table se lever dans le nez du contrevenant. A surprise, surprise et demi, le gars se retrouva par terre, relevé par le col d'une main de fer, nez et nez avec la manieuse, son acolyte coincée elle aussi à terre sous le genou de la même personne. Siolith leur fit gentiment comprendre qu'elle voulait savoir où étaient passés leurs anciens adversaires. Heureusement pour eux, ils s'étaient contentés de se servir du sous-sol du bar comme de prison et tout le monde en sortit sain et sauf…Enfin presque puisqu'elle fut à nouveau occupée par deux sales profiteurs… Leur laissant les gains des deux larrons, elle emporta ce qu'elle avait amené et s'arrêta un instant aux toilettes pour prévenir Shinigami via un des miroirs:

"Shinigami-sama, mission accomplie!"