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De la poussière obstruait et la vue, et les poumons. Dans cet endroit, il était difficile de voir ; tous les sens étaient mis à l'épreuve. Les multiples sons, bien que faibles, assaillaient les oreilles de toutes les directions. L'écoulement des eaux usées, les tuyaux d'étain qui laissaient couler leurs liquides nauséabonds dans le canal souterrain, les éboulis encore proches du centre commercial... Au dessus de la voûte couverte de mousse, on pouvait percevoir quelques tremblements sans doute dûe à la masse de gens qui se réunissaient sur l'esplanade, là haut... A l'air libre...
L'odeur, aussi. L'odeur lourde, sirupeuse. Mauvaise, bien entendu. Une odeur qui vous prend aux tripes. Un cocktail de tout ce qui peut se trouver de mauvais dans ces égoûts... Bien sûr, il ne fallait pas s'attendre à de douces fragrances ici. Cet endroit puait. Il n'y a pas de manière plus simple et correcte de le décrire: il puait. Il était sombre, puant et humide.

Un canal creusé sous terre, et des passerelles de métals accôlées au mur. En regardant ses pieds, Stephen pouvait voir l'eau qui s'écoulait calmement, agîtée par quelques remous causés par des débris de l'explosion du centre commercial. L'ambiance n'était pas forcément rassurante... A chaque fois qu'il posait son pied sur la grille de métal, celle-ci grinçait dans un son effrayant. La rouille déstabilisait la structure, la mousse la rendait glissante. S'il ne voulait pas glisser malencontreusement dans la rivière, l'absence de garde-fou rendant cela plus que probable, il valait mieux rester calme. Mais dans quel état d'insalubrité l'endroit avait-il été laissé?!

Derrière lui, à une dizaine de mètres, d'autres bruits de pas résonnaient. Le policier se stoppa pour se retourner. C'était la jeune fille de tout à l'heure... Elle semblait plus abîmée, toutefois. Ses habits étaient déchirés par endroits, elle n'avait plus sa casquette... Et elle semblait énervée. Tout comme Stephen, elle en voulait à ce criminel endurci qui venait de mettre à sac un des bâtiments les plus importants de la ville. Les égoûts de Death City n'avaient rien de compliqués: comme la ville, ils étaient disposés en canaux circulaires disposés concentriquement, par étages. Si cela rendait la traque plus facile, l'évasion du mystérieux criminel en était d'autant facilitée. Stephen se stoppa net, se retournant aux trois quarts.

– Attention à ne pas tomber dans l'eau.

Rien de plus. Un simple avertissement. Stephen en resta là, réfléchissant à une manière de piéger cet Arsène Lupin aux méthodes si voyantes.

Le seul escalier vers l'extérieur se situait dans le centre de traitement des eaux usées, aménagés dans une petite caverne souterrain, à environ 100 mètres sous le niveau de la mer. L'eau purifiée est ensuite pompée pour être rejetée dans le Death Lagoon au niveau de la surface... Il faut donc descendre profondément sous terre, plus profondément que les arènes pirates qui fut un temps animaient les bas-fonds de la ville avec leur combats illégaux. Plus profond que les voies de circulations souterraines ou les sous-sols de Shibusen. Pour ensuite prendre un vieux monte-charge et remonter à la surface... Le centre de traitement a été entièrement automatisé pour cette raison. Il n'y a jamais eut de problèmes depuis, donc l'endroit devait être encore plus infect qu'ici... Le policier déglutit. Ce qui doit être fait est à faire... Il reprit son chemin, bien décidé à rattraper le criminel. Le jeune fille le suivant toujours. Plongeant dans les profondeurs de la ville de la mort...

Les égouts! Tu parles d'un endroit à visiter... Et Aleksandra était là, dans les égouts,  suivant un flic, dans les égouts, à la poursuite d'un criminel, dans les égouts, lui pour l'arrêter parce que ce mec était un danger publique et un terroriste, elle pour lui broyer les noix sous son poing de pierre pour lui avoir explosé son gadget préféré et lui avoir fait passer la journée, encore une fois, dans les égouts! Il fait noir, ça pue et ... en fait c'est un très bon résumé. Surtout que les égouts de Death City étaient surement un labyrinthe plus dégouttant que la salle de photos de vacances de la grand-maman de Stephen. Et tout ce que le Capitaine du Département de Police de Death City, le ci-nommé O. B. Vious trouve le moyen de dire c'est de faire gaffe à ne pas tomber dans la flotte putride...

- ... no shit Sherlock...
- Pardon?
- Vous emmenez toujours de jolies jeunes filles dans des endroits sombres et reculés au premier rendez-vous officier, ou c'est juste moi qui a un traitement de faveur?

Et Aleks marchait, quelques mètres derrière le policier, les mains sur sa nuque en faisant de grands pas bruyants tout en soufflant bruyamment à intervalles réguliers parce qu'elle n'arrivait pas vraiment à se concentrer sur quoi que ce soit avec cette atmosphère étouffante et qui schlinguait comme... bah comme un foutu égout. En fait, elle commençait à en avoir marre de suivre ce con. Ça ne valait plus vraiment la peine de le retrouver puisque cette balade infinie dans le noir lui a un peu cassé les couilles... métaphoriquement parlant bien sûr... et là elle était coincée avec le binoclard parce qu'elle ne pourrait pas retrouver la sortie toute seule. En fait c'était le plan de ce poulet...

Il... il prévoyait emmener Aleksandra dans un endroit si profond, si oublié par l'humanité que personne ne penserait venir vérifier. Personne ne l'entendrait hurler de douleur ou appeler à l'aide et ce policier imposteur se servirait d'elle pour assouvir ses perversions de toutes sortes et même inviter ses amis à se servir d'elle comme une vulgaire sexdoll jusqu'à ce que la pauvre petite russe ne meure d'épuisement... ou par suffocation!

Mais ça c'est un peu gore. C'était les vapeurs inconnues qui qui lui donnaient une telle imagination? ... Probablement pas, elle a toujours eut une sorte de don pour faire tourner n'importe quelle situation en fanfic érotique... La seconde nécessaire à ce que la pensée quitte sa tête avait couvert son visage de rose et lui avait laissé échapper un petit gloussement nerveux. Elle se racla rapidement la gorge et couru jusqu'aux côtés de Stephen.

- Il y a une intersection... par où on va?

Des petits pas précipités qui le rattrapèrent. La jeune fille se tenaient à côté de lui. Il n'avait pas répondu à sa précédente question que déjà elle lui en posait une autre. Pourquoi elle le suivait? Elle voulait se venger du criminel? C'était... Compréhensible, d'une certaine manière.
Mais pourquoi ce "par où ON va"? Elle allait vraiment le suivre à la trace? Et après, c'est elle qui sous-entendait qu'il était en train de l'entraîner dans un lieu sombre et humide? La logique de certaines personnes est parfois complexe. Ou bien mademoiselle est trop fière pour avouer que seule, dans les égouts dégueulasses de la ville, elle aurait peut-être les jetons? Un sourire lui traversa subrepticement le visage. Soit, soit. Deux valent mieux qu'un.

– JE prévoyais d'aller plus en profondeur, vers la station d'épuration. C'est le seul endroit avec un escalier qui remonte vers la surface, donc il ira forcément par là. JE vais donc descendre, mais tu es bien sûre libre de me suivre. Tu feras ce que tu veux avec lui, je veux juste pouvoir lui passer les menottes à la fin. Enfin, si on le rattrape.

Stephen se tourna donc vers l'escalier qui descendait. Ils avaient atteint le premier palier: on voyait le canal sous-terrain qui coulait avec force et fracas dans le canal du niveau au dessous. Un cadavre passa: c'était celui d'un criminel. Mort lors de l'explosion? Son corps sans vie tomba lui aussi dans la petite cascade, continuant son chemin vers la station. C'était morbide: lorsque le corps remonta à la surface, de petites formes noires dans l'eau convergèrent vers lui. A la vision de reflets rouges par duo, le policier reconnu des rats. Il tourna sa tête vers la jeune fille.

– Par contre, je vais pas le laisser gagner cette course poursuite. On me surnomme la Ballerine Yamakasi. J'espère que tu pourras suivre le rythme!

Et sans un mot de plus, il sauta dans l'escalier, tombant directement à l'étage suivant. La grille de métal le soutenant grinça dangereusement, se pliant légèrement, mais tenant le coup. Il se redressa, fixant Aleksandra.

– C'est là que tu vas comprendre le sens de course poursuite. Les égouts sont en cercle, les uns au dessus des autres, de plus en plus grand au fur et à mesure qu'on descend en profondeur. Les passages à l'étage inférieurs sont séparés d'un quart de cercle qui est donc de plus en plus grand... J'espère que tu as de bonnes jambes, parce que la station de pompage est tout au fond. Et il a une sacré avance par rapport à nous. Si on se débrouilles pour le rattraper, on pourra détruire l'escalier et lui couper toute retraite...
Devant l'air interrogatif de la jeune fille, il se permit de compléter.
_Eeeet rentrer en rebroussant chemin et en remontant. Autant ne pas perdre de temps, on est là-dedans pour plusieurs heures.

Et voilà. Rien de plus nécessaire à expliquer, il ne reste plus qu'à plonger dans les abîmes crades de ces égouts...